mardi 12 février 2008

A Pontoise : pour une pastorale des célibataires

Le week-end dernier a eu lieu le premier temps fort de la pastorale des 25-35 ans, née cette année dans le diocèse de Pontoise. Pendant deux jours, une vingtaine de jeunes se sont rencontrés au Centre spirituel diocésain de Saint-Prix pour réfléchir ensemble à la question délicate du célibat non choisi. Le Père Luc Ravel, chanoine régulier de saint Augustin, a donné une belle conférence à laquelle j’ai eu la joie d’assister. Voici un résumé de mes notes.

Sébastien


Pour commencer, contemplons la figure du grand pape Jean-Paul II. La vie de Jean-Paul II peut à maints égards nous inspirer, car il a véritablement été un prophète de la fin du XXe siècle. Or Karol Wojtyla, dans sa jeunesse, a connu une très grande solitude après la mort de ses parents et la dispersion du séminaire à cause de la guerre. De cette solitude, Jean-Paul II a tiré une passion de la relation interpersonnelle. Chaque rencontre était pour lui une source qu’il ne pouvait quitter sans y avoir puisé.


Une situation nouvelle

Notre société connaît une évolution rapide que reflètent toutes les études statistiques : les « solos » sont de plus en plus nombreux. Par solos, on peut entendre les célibataires, les divorcés, les veufs… et le fait est qu’ils constituent aujourd’hui plus de la moitié de la population française. Forte de la conviction que ce n’est pas parce que les choses changent qu’on sera moins heureux, l’Eglise doit s’adapter à cette nouvelle situation qui rompt avec nos schémas et nos habitudes. C’est pourquoi nous avons la chance d’initier en ce moment une pastorale nouvelle, une nouvelle proposition d’Eglise pour une population fragilisée. Le plus grave n’est pas d’être marié ou non, car au Jugement dernier, nous serons jugés sur l’amour (cf. Mt 25, 31-46 et He 6, 10). Tout en aimant, il nous faut donc vivre nos souffrances au quotidien, dans la joie.


La joie est comme une manne que nous devons toujours demander à Dieu, dans les jours de difficulté comme dans les jours plus faciles. Le temps que nous avons perdu, c’est le temps où nous n’avons pas aimé. Comme Jean-Paul II, nous devons vivre à fond les relations interpersonnelles. Ainsi vécu, le temps du célibat – quelle que soit sa durée – est un temps de maturité. C’est le seul moyen de lutter contre l’isolement, beaucoup plus grave que la solitude, question cruciale dans notre société, tant pour les plus âgés que pour les plus jeunes. Rappelons que l’isolement est la cause d’une grande part des suicides dans notre pays. L’enjeu est donc de taille ! Comment répondre à cette nouvelle situation ?


Comment réagir ?

Exister chrétiennement, c’est équilibrer nos relations avec Dieu, avec soi-même et avec les autres. Il faut toujours avoir le souci de ces trois pôles. Or deux mouvements nous font avancer dans la vie : la peur et l’amour. L’enjeu, dans ces trois pôles, est de se libérer au maximum de ses peurs nées du péché. Depuis la Chute originelle en effet, une méfiance habite la relation avec Dieu et avec les autres. En Gn 3, 7, juste après avoir mangé du fruit défendu, Adam et Eve voient qu’ils sont nus ; aussitôt ils se confectionnent des pagnes pour se cacher l’un de l’autre. Et en Gn 3, 10, Adam dit à Dieu : « J’ai entendu tes pas dans le jardin et j’ai eu peur, parce que je suis nu. » La peur, fruit du péché, mine nos relations, jusqu’à les rendre parfois malsaines. Nous devons tout faire pour développer en nous l’amour et diminuer nos peurs.


Or l’Eglise, c’est une école de l’amour et de la communion. En effet, aimer, cela s’apprend. Comme le dit saint Augustin, il faut apprendre à canaliser l’amour comme une eau vers les jardins luxuriants plutôt que vers les égouts. Il faut dans l’amour apprendre à se mettre en dépendance de quelqu’un, d’un autre que soi. Car c’est l’autonomie, et non l’indépendance, qui est le présupposé de la relation. En d’autres termes, l’Eglise doit être pour nous un lieu où nous apprenons à aimer en vérité, à aimer l’autre pour ce qu’il est. Ainsi l’amour en nous pourra chasser la peur.


« Le temps que nous aurons perdu,

c’est le temps où nous n’aurons pas aimé. »

S’aimer soi-même est essentiel : s’aimer, c’est d’abord chercher à être heureux. C’est chercher la joie, et non le plaisir. La joie est une dilatation du cœur. Et s’aimer soi-même est le préalable du double commandement de l’amour (cf. Mt 22, 37-40), et n’oublions pas que « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Cor 9, 7).


Ainsi, le célibat non choisi peut avoir une grandeur. Il n’est pas meilleur que le mariage, évidemment, mais il a pleinement sa valeur comme un temps de maturité dans l’amour. Voilà à quoi nous invite aujourd’hui le Christ, dans un monde où le célibat non choisi n’est de fait plus hors norme : le temps que nous aurons perdu, c’est le temps où nous n’aurons pas aimé.


Le P. Luc Ravel est l’auteur de La montagne de la solitude que l’on peut trouver sur ce lien.

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