mercredi 14 novembre 2012

3e Lettre à Adveniat




Lettre à la fraternité missionnaire Adveniat

« Je veux louer le Seigneur tant que je vis.»
(Psaume 145,2)


Marines, ce 14 novembre 2012


Chers frères et sœurs d’Adveniat,

         A
lors que l’année scolaire et universitaire est déjà bien entamée, je suis heureux de m’adresser de nouveau à vous, à quelques jours de notre premier week-end de formation qui aura lieu à Franconville, samedi 17 et dimanche 18 octobre prochains. Ce week-end portera sur la louange, condition essentielle de la nouvelle évangélisation.

         Les dernières semaines ont été riches en enseignements de la part de l’Eglise. Le Synode des Evêques qui s’est tenu au mois d’octobre à Rome avait pour thème « La Nouvelle Evangélisation pour la transmission de la foi chrétienne ». Nous sommes donc particulièrement concernés par les travaux de cette assemblée convoquée par le Pape.

         Par ailleurs, le 8 novembre dernier, Lorraine et moi-même avons été reçus par l’abbé Pierre Machenaud, délégué diocésain en charge de la pastorale des jeunes, pour faire un point sur les activités d’Adveniat au cours de l’année passée. Nous avons vécu une belle rencontre, renouvelant les liens profonds de notre fraternité avec le diocèse de Pontoise.

         Vous le voyez, une lettre n’est pas de trop, pour que nous soyons stimulés dans notre mission et dans notre vie chrétienne !

1.       Les premiers enseignements du Synode

De l’avis de tous les témoins, la réunion du Synode des Evêques du mois d’octobre dernier a constitué un temps de grâce et de louange pour toute l’Eglise. Cinquante ans après l’ouverture du Concile Vatican II, il a été comme une nouvelle Pentecôte pour l’Eglise qui s’est mise à l’écoute de la Parole de Dieu, dans la docilité à l’Esprit Saint, pour annoncer encore et toujours la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.
J’aimerais que vous lisiez quelques extraits des moments fondamentaux de ce Synode, l’homélie d’ouverture de Benoît XVI, le Messe final du Synode et l’homélie de clôture du Saint-Père.

En ouverture du Synode, le Pape a voulu rappeler que la mission d’évangélisation est constitutive de l’identité-même de l’Eglise :

L’Eglise existe pour évangéliser. Fidèles au commandement du Seigneur Jésus Christ, ses disciples sont allés dans le monde entier pour annoncer la Bonne Nouvelle, en fondant partout les communautés chrétiennes. Avec le temps, elles sont devenues des Églises bien organisées avec de nombreux fidèles. A des périodes historiques déterminées, la divine Providence a suscité un dynamisme renouvelé de l’activité évangélisatrice de l’Eglise[1].

La nouvelle évangélisation s’inscrit donc dans l’évangélisation en général qui est la raison d’être de l’Eglise. Et c’est bien ce que les Pères synodaux ont voulu exprimer dans leur Message final :

 Conduire les hommes et les femmes de notre temps à Jésus, à la rencontre avec lui, est une urgence qui touche toutes les régions du monde, celles de récente tout autant que celles d’ancienne évangélisation. Partout en effet se ressent le besoin de raviver une foi qui risque de s’obscurcir en des contextes culturels qui en entravent l’enracinement personnel, le rayonnement social, la clarté de contenu et les fruits cohérents[2].

Nous le savons bien, le contexte culturel et social de notre France correspond bien à celui que décrit le message. Et nous pouvons retenir ces quatre axes pour notre mission :
-         l’enracinement personnel
-         le rayonnement social
-         la clarté du contenu
-         les fruits cohérents

Au cours de cette année, une telle liste pourrait constituer pour chacun de nous comme une grille d’évaluation : qu’en est-il de mon enracinement personnel en Jésus-Christ ? comment cela rayonne-t-il dans ma vie, autour de moi ? suis-je clair quant au contenu de ma foi et de l’annonce que j’en fais ? les fruits que j’en retire sont-ils en cohérence avec ma vie et mon désir de sainteté ?

En effet, la première chose à faire pour évangéliser, c’est de se réformer soi-même, de se convertir, pour adhérer de tout son être à Jésus. C’est vrai également de notre fraternité, et de toute l’Eglise comme corps du Christ :

Ne pensons surtout pas que la nouvelle évangélisation ne nous concerne pas personnellement ! Ces jours-ci, à plusieurs reprises, des voix se sont levées parmi les évêques pour rappeler que, pour pouvoir évangéliser le monde, l’Eglise doit avant tout se mettre à l’écoute de la Parole. L’invitation à évangéliser se traduit en un appel à la conversion.Nous sentons sincèrement le devoir de nous convertir avant tout nous-mêmes à la puissance du Christ, qui seul est capable de renouveler toute chose, surtout nos pauvres existences[3].

Que c’est beau, de voir des évêques affirmer avec une telle humilité et en même temps une telle force leur désir de se convertir ! Voilà pour chacun de nous un exemple à ne pas oublier.

Plus précisément, les évêques parlent ensuite de nous, les jeunes évangélisateurs. Je vous avais déjà cité les paroles du Saint-Père aux jeunes réunis à Rome le 16 octobre 2011 – une dizaine d’entre nous y étaient. Voici les paroles optimistes du Synode nous concernant :

Les jeunes nous tiennent à cœur de manière toute particulière, parce que, tout en étant une part importante du présent de l’humanité et de l’Eglise, ils en sont aussi l’avenir. Également en ce qui les concerne, le regard des évêques est tout sauf pessimiste. Il est certes préoccupé, mais non pas pessimiste. Préoccupé parce que les pressions les plus agressives de notre temps convergent principalement vers eux; mais non pas pessimiste. Avant tout parce que – nous y insistons – l’amour du Christ est ce qui façonne l’Histoire en profondeur. Mais aussi parce que nous voyons chez nos jeunes une profonde aspiration à l’authenticité, à la vérité, à la liberté et à la générosité, aspiration pour laquelle seul le Christ est en mesure d’être une réponse satisfaisante, nous en sommes convaincus.Nous voulons les soutenir dans leur recherche, et nous encourageons nos communautés à entrer sans réserve dans une attitude d’écoute, de dialogue et de proposition courageuse concernant la condition difficile des jeunes[4].

Authenticité, vérité, liberté, générosité : voilà les quatre piliers spécifiques de notre action de l’Eglise. J’y vois encore comme une grille d’évaluation de notre vie chrétienne, valable pour chacun de nous.

Dans son homélie pour la Messe de clôture du Synode, Benoît XVI a encouragé toute l’Eglise à s’engager dans la Nouvelle Evangélisation :

La Nouvelle Evangélisation concerne toute la vie de l’Eglise. Elle se réfère, en premier lieu, à la pastorale ordinaire qui doit être toujours plus animée par le feu de l’Esprit, pour embraser les cœurs des fidèles qui fréquentent régulièrement la Communauté et qui se rassemblent le jour du Seigneur pour se nourrir de sa Parole et du Pain de la vie éternelle[5].

Laissons-nous donc animer par le feu de l’Esprit, chers frères et sœurs d’Adveniat !

2.       Les liens d’Adveniat avec le diocèse de Pontoise

Le 8 novembre dernier, comme je vous l’écrivais plus haut, Lorraine et moi avons fait avec l’abbé Pierre Machenaud un bilan des activités d’Adveniat au cours de l’année passée. Mgr Daniel Ducasse, notre administrateur diocésain, continue de suivre Adveniat avec confiance et affection. Relisant ensemble les grands moments de cette année 2011-2012, de Domont à Garges-lès-Gonesse et d’Argenteuil à Notre-Dame-de-France, nous avons présenté à notre délégué diocésain les enjeux principaux pour cette année, les forces de notre fraternité et aussi ses fragilités, en rendant grâce à Dieu pour tout cela, dans la confiance qu’il saura nous guider où il veut si nous lui sommes fidèles.

L’abbé Machenaud nous encouragés dans notre mission, avec beaucoup d’enthousiasme, et il nous a invités à nous engager toujours plus dans une collaboration fructueuse avec le diocèse. Nous sommes tous convaincus que c’est dans le diocèse que Dieu nous veut, car « où est l’évêque, là est l’Eglise » (saint Ignace d’Antioche).

Dans l’attente d’un nouvel évêque de Pontoise, nous rendons grâce à Dieu pour le ministère de Mgr Jean-Yves Riocreux qui a su accompagner et soutenir Adveniat dans les premières années de son existence.

Avec tout le diocèse, nous faisons nôtre la prière pour demander la grâce d’accueillir notre futur évêque :

Dieu qui es notre Pasteur éternel,
tu mènes ton Eglise avec sollicitude,
et tu es pour elle un maître plein d’amour ;
Donne à notre diocèse de Pontoise
un Evêque qui conduise
le Peuple de Dieu en Val d’Oise
en vrai représentant du Christ :
Qu’il instruise ton peuple dans la foi,
qu’il le sanctifie par tes sacrements,
et le gouverne selon ton volonté.
Et rends-nous disponibles
pour l’accueillir tel que tu nous le donneras.

Quelques nouveaux défis ont été évoqués avec l’abbé Machenaud, et le diocèse attend de nous que nous soyons authentiques, vrais, libres et généreux, exactement comme les Pères du Synode. Continuons donc de nous engager au service du Christ, dans l’Eglise qui est à Pontoise, le diocèse nous encourage et nous soutient dans cette mission !



3.       La louange, au cœur de nos vies

Lauda, Sion, Salvatorem,
Lauda ducem et pastorem
In hymnis et canticis.

« Sion, loue ton Sauveur, loue ton chef et ton pasteur par des hymnes et des cantiques ! » C’est par ces mots que commence la séquence de la fête du Saint-Sacrement. Chacune de nos vies doit être marquée par la louange du Seigneur, car il est notre Créateur et notre Pasteur, c’est lui qui prend soin de nous chaque jour, nous en faisons tous l’expérience.

Reconnaissant Dieu pour notre Créateur et notre Père, nous nous reconnaissons en même temps comme frères et sœurs les uns des autres. C’est le fondement du double commandement de l’amour que Jésus nous a donné pour accomplir toute la Loi de l’ancienne alliance :

Un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? »
Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »
(Mc 12,28b-31)

La louange, que nous allons mieux découvrir au cours du week-end prochain, nous conduit donc directement à la charité fraternelle. C’est ce que synthétise la belle prière d’ouverture de la nouvelle Messe pour la Nouvelle Evangélisation, que Rome nous a donné récemment :

Dieu qui, par la puissance du Saint-Esprit, as envoyé ton Verbe porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, fais que en gardant les yeux fixés sur lui,nous vivions toujours dans une charité sincère,pour annoncer l’Évangile et en témoigner  dans le monde entier[6].


La Bonne Nouvelle du salut engendre notre louange, et la louange nous pousse à la charité. « L’amour du Christ nous presse » (2 Cor 5,14). C’est dans cet esprit que je vous invite à commencer cette Année de la foi proposée par le Saint-Père. Le Pape et les évêques vous soutiennent, chers frères et sœurs d’Adveniat, ils vous soutiennent par leurs prières et leurs enseignements, cette lettre a voulu en témoigner. Toute l’Eglise est engagée dans cette Nouvelle Evangélisation initiée par le Pape Paul VI, poursuivie par Jean-Paul II et à présent par Benoît XVI.




Avec les mots du Bienheureux Jean-Paul II, confions-nous à l’intercession de la Vierge Marie :

O Marie, au matin de la Pentecôte,
Tu as soutenu par la prière
le début de l’évangélisation entreprise par les Apôtres
sous l’action de l’Esprit saint.
Par ta protection constante
continue à guider, aujourd’hui aussi,
en ces temps d’appréhension et d’espérance,
les pas de l’Eglise qui, docile au mandat de son Seigneur,
nous pousse, avec la ‘‘Bonne Nouvelle’’ du salut,
vers les peuples et les nations de toute la terre.
Oriente nos choix de vie,
réconforte-nous au moment de l’épreuve,
afin que, fidèles à Dieu et à l’homme,
nous affrontions avec audace et humilité
les sentiers mystérieux du ciel,
pour porter à l’esprit et au cœur de chaque personne
la joyeuse annonce du Christ Rédempteur de l’homme.
O Marie, Etoile de l’Evangélisation, chemine avec nous !
Amen[7].

Je vous bénis tous, en attendant d’avoir la joie de vous revoir.
Que son règne vienne !



Sébastien Thomas +
prêtre



[1] Benoît XVI, Homélie du 7 octobre 2012.
[2] Synode des Evêques sur la Nouvelle Evangélisation, Message final au Peuple de Dieu (26 octobre 2012), n°2.
[3] Message final du Synode au Peuple de Dieu (26 octobre 2012), n°5.
[4] Message final du Synode au Peuple de Dieu (26 octobre 2012), n°9.
[5] Benoît XVI, Homélie du 28 octobre 2012.
[6] Collecte de la Messe pour la nouvelle évangélisation (17 juin 2012)
[7] Bx Jean-Paul II, Audience générale du 21 octobre 1992.

samedi 27 octobre 2012

Prions pour les défunts et pour les vivants !


La Toussaint approche, ainsi que la Messe pour les défunts du 2 novembre. Nombreux sont ceux qui confondent les deux, jusqu’à ces deux chrétiens qui me disaient l’autre jour qu’il leur semblait bizarre de faire la fête le 1er novembre ! Une petite mise au point s’impose : la Toussaint, c’est la fête de tous les saints – les enfants le sauront bien, qui auront participé la veille à la journée « 3P » intitulée ‘‘Tous saints !’’ à Avernes. C’est donc une belle fête liturgique née au VIIIe siècle, où nous nous réjouissons de bénéficier de l’accompagnement et de l’aide de tous les saints du ciel au cours de notre vie, car ils nous confirment dans notre espérance de la vie éternelle auprès de Dieu. Le lendemain, depuis le XIe siècle, l’Eglise évoque le souvenir des fidèles défunts – et particulièrement de ceux qui nous ont quittés au cours de l’année passée.


La cohérence de ces deux fêtes est claire : l’espérance de la vie après la mort. Le fait que la Toussaint soit en France un jour férié a mené de nombreuses familles à visiter les cimetières le 1er novembre. Mais pour autant, ne cachons pas notre joie lorsque nous suivons l’exemple de tous les saints du ciel et que nous rendons grâce à Dieu pour le salut qu’il donne ! Et n’oublions pas que les saints intercèdent aussi pour nous, les vivants.



Ces deux célébrations du 1er et du 2 novembre nous invitent à réfléchir sur la prière pour les défunts – pour le salut de leur âme – mais aussi la prière pour les vivants. Nous avons tous des occasions de demander à Dieu des grâces pour ceux qui nous entourent, famille et amis, ou de remercier le Seigneur pour des grâces accordées – anniversaire, réussite, naissance… Nous faisons souvent célébrer des messes pour nos défunts, alors pourquoi ne pas en demander aussi pour les vivants ? Bonne fête à tous !

samedi 29 septembre 2012

« Proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, mais avec une grande patience et avec le souci d'instruire. » (2 Tim 4,2)


Cette adresse de saint Paul à Timothée est particulièrement d’actualité ces jours-ci ! Depuis que le gouvernement a annoncé sa décision d’établir un projet de loi sur le mariage homosexuel et l’adoption d’enfants par des couples homosexuels, on attend la position de l’Eglise, on attend qu’elle parle, et pourtant on ne la laisse pas parler. Je m’explique : on attend d’elle qu’elle soit « contre », contre tout court, contre sans plus, pour qu’elle soit conforme à ce qu’on pense d’elle, une société réactionnaire et rigide… Et on ne la laisse pas parler, car on croit déjà savoir ce qu’elle a à dire. Or, annoncer la Parole de Dieu, qui est la première mission de l’Eglise, c’est toujours nouveau : l’Eglise étant engagée dans le temps ne peut pas s’en tenir aux vieilles formules, aux anciennes recettes. Il lui faut toujours trouver des mots nouveaux pour s’adresser à un monde toujours nouveau. En étant toujours fidèle à Dieu. C’est le sens de ce « à temps et à contretemps » puis de ces trois injonctions : « dénonce le mal, fais des reproches, encourage ». Il ne s’agit pas seulement de dire ce qui ne va pas, mais aussi d’encourager ce qui va bien.

On ne s’étonne pas quand Benoît XVI a un discours qui encourage le respect de l’environnement et le développement durable, ou quand un évêque s’insurge contre les mauvais traitements réservés aux prisonniers de France, mais quel scandale quand l’Eglise dénonce ce qui ne va pas et fait des reproches ! C’est pourtant exactement la même mission qu’elle assume dans les deux cas. Saint Augustin, commentant cette phrase de saint Paul,  affirmait avec force : « Oui, je suis importun, j’ose dire : ‘‘Tu veux t’égarer, tu veux périr ; moi, je ne veux pas’’. » Se taire face aux mauvais travers de notre société, ce serait pour l’Eglise renoncer à sa mission. Il lui faut être importune.

C’est au nom de sa mission première qui est d’annoncer l’Evangile au monde – par le même amour qui a conduit Dieu à donner son Fils pour nous – que l’Eglise prend la parole, par la voix de ses évêques et de tous ses fidèles. Ces derniers jours, le cardinal André Vingt-Trois s’est ainsi exprimé sur les ondes de deux grandes radios nationales. Son alerte est très claire : « Il ne faut pas dire qu’on ouvre le mariage à une nouvelle catégorie, il faut dire qu’on transforme le mariage pour permettre à une nouvelle catégorie d’y participer. » C’est le fondement même de la famille qui est en cause.

Or, on a le sentiment que cette question est occultée, qu’elle ne sera jamais traitée. C’est pourquoi le cardinal « demande (aux catholiques de France) de prendre les moyens dont ils disposent pour faire exister le débat que le gouvernement ne veut pas organiser. » Réfléchissons, informons-nous, débattons, chers frères et sœurs, débattons entre nous et avec le monde qui nous entoure, à tous les niveaux de la société à commencer par nos familles et nos villages, et tâchons de faire entendre à tous les hommes la Parole de vie.

lundi 23 juillet 2012

Rencontres fraternelles avec des chrétiens de Serbie



Avec trois amis du Séminaire français de Rome, invités par l’Ambassadeur de France à Belgrade, M. François-Xavier Deniau, nous avons eu l’opportunité de passer cinq jours en Serbie, à la rencontre des chrétiens de ce pays d’Europe de l’Est qui espère entrer prochainement dans l’Union européenne.

Avec l'archevêque latin de Belgrade
Nos premières rencontres ont été avec les catholiques : l’Archevêque de Belgrade, Monseigneur Stanislas Hocevar, nous a raconté l’histoire du pays, depuis ses origines au XIIIe siècle, jusqu’au commencement de la Première guerre mondiale, puis à la période titiste et aux douloureux conflits des années 1990. Les tensions restent profondes en particulier entre les Croates (en majorité catholiques) et les Serbes (orthodoxes), et le dialogue œcuménique demeure fortement marqué par ces souffrances. Monseigneur Orlando Antonini, Nonce apostolique en Serbie, nous a montré les enjeux de la multiplication des Etats indépendants dans l’ancienne Yougoslavie et les difficultés diplomatiques qu’elle entraîne. La question de la reconnaissance du Kosovo reste une question brûlante.

Nous comprenons mieux alors combien l’Eglise et la nation sont liées en Serbie – l’Eglise Orthodoxe de Serbie est d’ailleurs une Eglise autocéphale depuis des siècles. Et l’ambassadeur nous montre qu’il faut distinguer citoyenneté et nationalité dans ce pays. On peut très bien être de citoyenneté serbe, c’est-à-dire avoir un passeport de la République de Serbie, et être catholique de nationalité slovène ou croate. Cette distinction est très forte, ancrée dans l’histoire lointaine et récente.

Au Patriarcat orthodoxe de Belgrade
Les jours suivants, nous avons rencontré des personnalités importantes de l’orthodoxie serbe. Monseigneur André, premier secrétaire du Patriarche de l’Eglise Orthodoxe de Serbie, nous a reçu très fraternellement au Patriarcat pour nous faire visiter la salle du synode et la chapelle où sont élus les Patriarches. Lui aussi nous a présenté les enjeux du dialogue œcuménique et les difficultés qu’il rencontre dans ce dialogue, du fait des tensions profondes entre les différentes communautés ethniques et religieuses. Il a tracé les contours d’une collaboration ouverte et franche entre chrétiens de Serbie, dans un contexte de sécularisation déjà bien entamé de la société serbe.

Quittant Belgrade, nous sommes partis vers le nord, dans la région de la Voïvodine, qui faisait partie avant 1918 de l’Empire d’Autriche-Hongrie. Ce qui frappe en premier dans cette région, c’est que toutes les églises sont de style autrichien : les iconostases de style classique, le mobilier baroque, les clochers à bulbes. Accueillis par le Père Jean, curé d’une paroisse orthodoxe de Sremski Karlovci, ancien étudiant de l’Institut catholique de Paris, nous avons visité de fond en comble l’ancienne ville patriarcale.
Autour de Monseigneur Irénée, évêque orthodoxe de Batchka

La rencontre la plus marquante, peut-être, a été celle de Monseigneur Irénée, Evêque orthodoxe de Batchka, dans son évêché de Novi Sad. Reconnu pour être l’un des plus ardents acteurs du dialogue œcuménique en Serbie, Monseigneur Irénée nous a reçus longuement pour nous exposer les difficultés posées par la tension entre ouverture et identité, particulièrement pour la diaspora orthodoxe serbe dispersée dans le monde entier, et pour partager avec nous sa conception de l’œcuménisme, fondé plus sur des gestes de fraternité parfois presque invisibles, que sur de longues déclarations communes. Selon lui, si Dieu est le premier acteur de l’unité de son Eglise, alors nous devons nous contenter de ne pas y faire barrage et d’y collaborer par ces petits gestes. Monseigneur Pamphile, son auxiliaire et higoumène du monastère de Kovilj (il est par ailleurs président du Conseil supérieur de l’audiovisuel de Serbie !), a confirmé ces propos, en nous encourageant à multiplier ce type de rencontres.

Au monastère de Kovilj, avec Monseigneur Pamphile
Outre ces rencontres, notre court séjour en Serbie a été l’occasion de découvrir un pays magnifique mais blessé par les guerres, un pays qui a beaucoup souffert et qui souffre toujours, mais qui aspire à construire l’avenir et qui se met au travail pour cela. La liturgie serbe orthodoxe, avec ses chants profonds et virils, est à l’image de cette réalité d’un peuple dont l’histoire et la foi sont intimement mêlés, dans les joies et dans les difficultés. 

Que Dieu bénisse la Serbie !

Abbé Sébastien Thomas

samedi 9 juin 2012

Dernières nouvelles de Jérusalem


Entre Tel Aviv et Rome, ce 8 juin 2012
Chers parents et amis,

Le Révérend Père Lagrange, op
Avec cette quatrième missive s’achève mon séjour en Terre Sainte ; dans une heure et demie, nous atterrirons à l’aéroport de Fiumicino. Et ce sera à présent le temps de la relecture de ces mois de grâce vécus à Jérusalem. Mais pour les prochains jours, cap sur mon examen de synthèse qui se tiendra le 20 juin. Les dernières semaines ont essentiellement été consacrées à la préparation de cet examen, qui m’a conduit à fréquenter aussi la bibliothèque de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, joyau de la recherche biblique, fondée à la fin du XIXe siècle par le R.P. Marie-Joseph Lagrange, op, et tenue sans discontinuer par les Pères Dominicains. La lecture de la biographie de ce prêtre d’exception[1], pionnier de la critique historique de la Bible et modèle d’obéissance et de vie religieuse, a accompagné mon travail, en lui donnant une nouvelle dimension spirituelle. J’en profite pour vous recommander cette lecture !

Ces dernières semaines m’ont permis néanmoins de découvrir aussi quelques lieux que je n’avais pas encore visités, comme Tel Aviv, la première capitale d’Israël et qui reste le siège de toutes les ambassades dans le pays. Ville étonnamment sécularisée dans une société si religieuse, où les plages et les boîtes de nuit sont beaucoup plus fréquentées que les synagogues ! Tel Aviv est aussi le lieu où a été proclamée en 1948 l’indépendance de l’Etat d’Israël et où, plus récemment, le Premier ministre Isaac Rabin fut assassiné. La ville moderne a entouré peu à peu la vieille ville arabe de Jaffa, où saint Pierre reçut de Dieu l’ordre d’ouvrir la révélation aux païens (cf. Actes 10).

Dans le Wadi Qelt
Le clocher de Saint-Pierre de Jaffa domine la mer
Je n’étais pas non plus allé marcher dans le désert. Profitant d’une sortie de plusieurs étudiants de Tel Aviv, j’ai redécouvert le Wadi Qelt que j’avais déjà parcouru il y a huit ans : les paysages magnifiques du désert de Judée le long du petit cours d’eau, l’apparition au détour d’un méandre du monastère Saint-Georges des Grecs Orthodoxes, l’arrivée à Jéricho entouré de palmiers et dominé par ses minarets, autant d’images inoubliables que je ramène avec moi, à Rome puis dans le Val d’Oise !

La solennité de la Pentecôte, clôturant le temps pascal, venait clore d’une certaine façon aussi mon semestre d’études. L’affluence des fidèles et du clergé, et le faste des vêpres présidées par le Custode dans la chambre haute, où les apôtres reçurent l’Esprit Saint (cf. Actes 2), ont ravivé en moi la joie de ces célébrations de la Semaine sainte que nous avions vécues sur les lieux mêmes des événements. Quelle grâce j’ai eue de vivre de telles heures !


Mais qui dit fin de séjour dit aussi dîner d’adieu… et le 1er juin, nous avons invité tous les Français que nous avons pu rencontrer pendant ce semestre : étudiants, stagiaires, coopérants, beaucoup ont répondu positivement, et nous étions une trentaine à l’Institut biblique pour célébrer la Messe en action de grâce pour tout ce que Dieu nous a donné dans son pays d’élection, et pour partager un bon barbecue !
La Basilique de la Nativité à Bethléem
Zone de Texte: La basilique de la Nativité à Bethléem

J’ai voulu aussi retourner à Bethléem avant de partir, et célébrer la Messe dans la grotte de la Nativité une nouvelle fois. Accueillis par le frère Stéphane, gardien du couvent franciscain, nous avons bénéficié d’une visite approfondie de la grotte et de ses alentours, ainsi que des terrasses du couvent qui laissent apparaître la superbe architecture de la basilique, joyau unique au monde, intégralement préservé du VIe siècle. Bethléem, la ville où Jésus est né, la ville où Dieu a choisi de faire entrer la joie dans le monde ! J’étais heureux d’achever là mon séjour en Terre sainte.

La dernière célébration à Jérusalem, avant-hier soir, a été celle du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, le Corpus Domini ou Fête-Dieu. La Vigile de la solennité, au Saint-Sépulcre au beau milieu de la nuit, m’a permis d’entrer une dernière fois pour prier dans le tombeau vide du Seigneur, pour le remercier de cette expérience magnifique : vivre dans la ville où lui-même a vécu, marcher un peu plus dans ses pas, le suivre de plus près comme disait le Bienheureux Père Chevrier.


De tout cœur, je vous bénis.


                     Sébastien Thomas +
         prêtre
       


[1] B. Montagnes, Marie-Joseph Lagrange, une biographie critique, Editions du Cerf, Paris 2005.

vendredi 11 mai 2012

Nouvelles de Jérusalem - n°3


Jérusalem, ce 11 mai 2012

Chers parents et chers amis,
De retour de quatre jours merveilleux en Jordanie, je reviens vous donner des nouvelles, à moins d’un mois à présent de mon retour à Rome. L’examen par lequel s’achèveront mes études aura lieu le 20 juin, après quoi je rentrerai dans le diocèse de Pontoise. Mais nous n’en sommes pas là !
Le mois passé, inauguré par la fête de Pâques, a été surtout un mois studieux. Cependant, je poursuis ma découverte de la Terre Sainte. Et ce temps a aussi été le temps de la visite de quelques amis et de mes parents, et d’un groupe de pèlerins du diocèse. C’est le moment de m’exercer à guider des pèlerins, et surtout de vivre avec eux la joie de découvrir cette terre.
Pour ce qui est de mes nouvelles visites, je me suis un peu éloigné de Jérusalem pour explorer les limites du pays. Un premier voyage m’a conduit à Acre et à Haïfa, dans le nord-ouest. Haïfa est le grand port du nord d’Israël, pour toutes les relations avec l’Europe – Eilat est celui du sud, pour le commerce avec l’Orient. C’est une ville immense, cosmopolite, où règne un certain syncrétisme. En témoigne l’immense mausolée du Bab, centre spirituel du baha’isme. Le plus important néanmoins est que Haïfa est construit sur le Mont Carmel, le lieu où Juifs et Chrétiens font mémoire de la prière du prophète Elie (photo), qui a donné son nom à l’ordre des carmes et des carmélites !
Quant à Acre (photo), haut lieu de la résistance croisée à la fin du Royaume de Jérusalem, c’est une ville étonnante où s’enchevêtrent les constructions d’époques et de cultures différentes. La forteresse à elle seule est un livre qui raconte toute l’histoire de la ville, jusqu’à la défaite de Bonaparte ! Avec deux stagiaires français, nous avons fait à Acre une nouvelle expérience de la catholicité de l’Eglise, avec l’accueil exceptionnel de la communauté maronite et de son curé, le P. Kozhaya.
Le second grand voyage de ce mois m’a mené, à la suite du Supérieur de l’Institut Biblique, de l’autre côté du Jourdain, dans le Royaume de Jordanie. J’en suis rentré hier soir. Du nord au sud, nous avons traversé la partie occidentale du pays, dont nous avons pu contempler les merveilles, telles que les villes de Jarash (deux photos) et de Pella, dans le nord, jusqu’à la splendide cité nabatéenne de Pétra, mondialement connue, et pour cause !
En allant vers le sud, nous ne pouvions manquer de nous rendre au Mont Nébo, le lieu d’où Moïse a contemplé la Terre que le Seigneur lui avait promise sans pouvoir néanmoins y entrer lui-même.
L’accueil fraternel des pères jésuites d’Amman, la rencontre d’une population paisible et chaleureuse et la beauté de ce pays m’ont beaucoup marqué. Et c’était étonnant de voir la Terre Promise « de l’autre côté »  (photo), dans la vallée du Jourdain puis sur les bords de la Mer morte.
La visite de Pétra (photo), à la fin de notre périple, nous a fait entrer dans la grande histoire du commerce mondial : voici une ville qui fut l’une des plus florissantes de son temps, d’une richesse inimaginable dont témoignent les merveilles architecturales qui nous sont parvenues, et qui est tombée dans l’oubli jusqu’à ce qu’un archéologue suisse, en route vers les sources du Nil, la redécouvre et lui rende sa célébrité.
Après toutes ces aventures, il va être un peu difficile de se remettre à mon bureau, mais mes études sur la joie dans la Bible sont vraiment intéressantes, et elles nourrissent ma réflexion et ma prière. Et la perspective de l’animation du Parcours biblique du diocèse l’an prochain m’encourage bien !
Par ailleurs, le temps est venu pour moi de vous annoncer ma nomination pour l’an prochain. Monseigneur Riocreux a décidé que je serais à partir du 1er septembre 2012 curé de Marines, Avernes, et d’une trentaine d’autres clochers. Me voici envoyé comme curé de campagne ! Je suis heureux de la confiance que l’évêque et son conseil ont eue en moi, je suis plein de joie à l’idée de rejoindre cette belle communauté dont j’aurai la charge, mais je tremble un peu, je l’avoue. Priez bien pour moi, pour que je sois pour ces villes et villages du Vexin français un pasteur selon le cœur de Dieu, conforme aux conseils de l’apôtre saint Pierre :
« Soyez les bergers du troupeau de Dieu qui vous est confié ; veillez sur lui, non par contrainte mais de bon cœur, comme Dieu le veut ; non par une misérable cupidité mais par dévouement ; non pas en commandant en maîtres à ceux dont vous avez reçu la charge, mais en devenant les modèles du troupeau. » (1 P 5, 2-3)

De tout cœur, je vous bénis.

   Sébastien Thomas +
                                  prêtre