jeudi 31 octobre 2013

Lettre à Adveniat - Toussaint 2013


Fraternité missionnaire du diocèse de Pontoise

Lettre à la fraternité missionnaire Adveniat


Marines, ce 1er novembre 2013
Fête de tous les saints




Chers frères et sœurs d’Adveniat,

Vous avez sans doute remarqué que depuis septembre, nous ne vous avons pas fait signe. Il faut dire que nous sommes en pleine réflexion, avec Lorraine, quant à l’avenir de notre fraternité missionnaire. Cette lettre est donc d’abord pour chacun une invitation à penser à la nouvelle évangélisation dans le monde et à la forme qu’elle doit prendre dans le Val d’Oise. Mais en aucun cas cette période ne doit être un temps de remise en cause de notre élan missionnaire !

1.     Les raisons d’une pause

Depuis que j’ai été nommé aumônier par Monseigneur Riocreux, j’ai pu remarquer la difficulté de rassembler des responsables pour la fraternité. Déjà en 2011, Adveniat avait failli arrêter ses activités après la dernière semaine de mission à Ermont. Nous avons néanmoins décidé de poursuivre, plaçant nos espoirs dans le pèlerinage de dix d’entre nous à Rome, à l’invitation du Pape émérite Benoît XVI, pour la rencontre du Conseil Pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation.

Pourtant, depuis deux ans, le nombre de jeunes acceptant de porter une charge dans la durée pour Adveniat n’a cessé de diminuer, au point que la semaine missionnaire de Franconville cette année a reposé sur deux ou trois.

L’heure de trouver un successeur à Lorraine comme responsable de la fraternité est arrivée. Je la remercie de tout ce qu’elle a donné à Adveniat depuis des années. Nous avons décidé ensemble qu’elle ne serait plus responsable l’année à venir, même si nous ne trouvions personne. Nous avons cherché, nous avons pris contact avec quelques personnes, mais nous n’en avons trouvé aucune qui accepte cette mission.

C’est pourquoi, avec d’autres soutiens d’Adveniat, Lorraine et moi avons décidé de faire une pause ; nous verrons si cette pause est définitive ou non, selon les réactions qu’elle suscitera. L’abbé Pierre Machenaud, notre vicaire épiscopal, en a été informé. Nous ne prévoyons donc pas d’activités pour cette année jusqu’à nouvel ordre.

Une rencontre amicale sera bientôt organisée, et un diaporama des activités d’Adveniat depuis sa fondation sera préparé pour rendre grâce à Dieu pour tous les fruits recueillis les uns avec les autres. Je vous remercie tous d’ores-et-déjà pour ce que vous avez donné à notre fraternité.

2.     Les formes de la nouvelle évangélisation

Je comprends que cette décision puisse décevoir certains d’entre vous, mais j’affirme avec force que la nouvelle évangélisation se poursuit sous d’autres formes pour tous ceux qui veulent s’y engager ! N’oubliez pas qu’Adveniat n’est pas le seul instrument de nouvelle évangélisation qui nous soit proposé. Une commission pour sa mise en œuvre existe dans notre diocèse, des paroisses s’engagent résolument en ce sens, avec des veillées de louange et d’effusion de l’Esprit, des évangélisations de rue, des initiatives multiples (crèches vivantes, marchés de Noël, etc.) et vous savez que la nouvelle évangélisation peut avoir de nombreuses formes, au-delà même de ce que nos imaginations peuvent inventer, comme le Pape Paul VI l’affirmait déjà en 1975 :

Cette prédication évangélisatrice prend plusieurs formes que le zèle inspirera de recréer presque à l’infini. Ils sont effectivement innombrables, les événements de la vie et les situations humaines qui offrent l’occasion d’une annonce discrète mais marquante de ce que le Seigneur a à dire dans cette circonstance. Il suffit d’avoir une vraie sensibilité spirituelle pour lire dans les événements le message de Dieu[1].

Je vous invite donc tous à réfléchir à la place que vous souhaitez prendre dans ce mouvement magnifique d’annonce de l’Evangile dans le monde contemporain auquel vous avez pris part dans le cadre d’Adveniat et auquel vous continuerez de participer sous d’autres formes. Soyez disponibles aux motions de l’Esprit Saint, et ne baissez pas les bras !

Dans la lettre pastorale qu’il a publiée dernièrement, notre évêque Monseigneur Stanislas Lalanne nous engage tous à être toujours plus « visages d’espérance[2] » auprès des hommes et des femmes qui nous entourent, dans un monde tant marqué par la morosité et par le désespoir.

3.     Notre espérance dans l’élan missionnaire de notre diocèse

Cette lettre ne constitue donc en aucun cas un point final, même si Adveniat ne devait pas reprendre ses activités dans l’immédiat. Car, encore une fois, chacun de vous est appelé à être missionnaire par le fait même que vous êtes baptisés et que vous avez la foi, car « la foi n’est pas un fait privé, une conception individualiste, une opinion subjective, mais elle naît d’une écoute et elle est destinée à être prononcée et à devenir annonce[3]. »

         Dans la prière, placez-vous devant Dieu et réfléchissez à l’engagement qui est le vôtre pour l’annonce de l’Evangile et l’avènement du Royaume de Dieu aujourd’hui dans notre beau diocèse de Pontoise. Dans le dialogue, échangez vos désirs et vos craintes avec d’autres. Je suis à votre disposition pour en parler, pour rêver ensemble, pour envisager l’avenir – et si vous en ressentez l’appel, l’avenir même d’Adveniat. Dans un premier temps, nous continuerons de nous rencontrer régulièrement pour prier et louer Dieu dans la crypte de l’église Notre-Dame d’Eaubonne avec le groupe de prière Duk’n Altum[4].

C’est donc dans la joie et dans la confiance que je prie pour vous et que je vous bénis. Que l’intercession de tous les saints du ciel vous accompagne toujours !




                                                                  Sébastien Thomas +
                                                                                                     prêtre




[1] Paul VI, Exhort. apost. Evangelii Nuntiandi, n°43.
[2] Mgr S. Lalanne, Lettre pastorale Vous êtes tous visages d’espérance (4 octobre 2013).
[3] François, Lettre encyclique Lumen fidei sur la foi, n°22.
[4] Toutes les informations sont sur http://dukinaltum.blogspot.fr 

jeudi 2 mai 2013

« N’ayez pas peur de la bonté, de la tendresse ! » - Lettre à Adveniat



Fraternité missionnaire du diocèse de Pontoise

Lettre à la fraternité missionnaire Adveniat

« N’ayez pas peur
de la bonté, de la tendresse ! »


Marines, ce 1er mai 2013
Saint Joseph, travailleur


Chers frères et sœurs d’Adveniat,

D
ans ma dernière lettre, je vous parlais de la louange, au cœur de notre vie chrétienne, et j’avais insisté sur l’importance et la richesse du lien que nous entretenons avec notre beau diocèse. La nomination de Monseigneur Stanislas Lalanne comme évêque de Pontoise et son installation le 6 avril dernier, ainsi que la renonciation de Benoît XVI à sa charge et l’élection de son successeur le Pape François en mars, ont marqué la vie de notre Eglise en Val d’Oise, et renouvelé notre joie d’être chrétiens.

         Les premiers pas de François comme évêque de Rome ont touché le monde entier par sa simplicité, son humilité, et la radicalité de son engagement à la suite du Christ. C’est pourquoi nous avons choisi, avec l’Equipe d’animation pastorale de Franconville qui nous accueillera du 23 au 30 juin pour notre semaine missionnaire, d’emprunter notre thème de mission à l’homélie que le Saint-Père a prononcée lors de l’inauguration de son pontificat, le 19 mars dernier, qui rappelait aussi les premiers mots du bienheureux Jean-Paul II : « N’ayez pas peur de la bonté, de la tendresse ! »

1.    « Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même de la tendresse ! »

Dans l’homélie du 19 mars, prononcée lors de la solennité de saint Joseph, le Pape méditait sur la façon dont le charpentier de Nazareth avait été un gardien de Marie, de Jésus et de l’Eglise, et il nous le donnait pour modèle :

Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : soyons ‘‘gardiens’’ de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! Mais pour ‘‘garder’’ nous devons aussi avoir soin de nous-mêmes ! Rappelons-nous que la haine, l’envie, l’orgueil souillent la vie ! Garder veut dire alors veiller sur nos sentiments, sur notre cœur, parce que c’est de là que sortent les intentions bonnes et mauvaises : celles qui construisent et celles qui détruisent ! Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même de la tendresse ![1]

         Nous comprenons bien que François nous appelle à être attentifs au monde qui nous entoure, à l’aimer, à le ‘‘garder’’. Et nous voyons même qu’il considère que c’est une responsabilité commune à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté d’être gardiens. Gardiens de l’environnement, de nos frères humains, et aussi de nous-mêmes. Le Saint-Père rejoignait ainsi la grande déclaration que le Concile Vatican II avait faite au début de la constitution pastorale Gaudium et Spes sur l’Eglise dans le monde de ce temps : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur[2]. » Et le Concile ajoutait : « Le monde qu’il a ainsi en vue est celui des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle vit[3]. »

         François insistait dans la suite de son homélie sur le fait que nous sommes tous appelés à être des gardiens :

Garder Jésus et Marie, protéger la création tout entière, veiller sur chaque personne, spécialement la plus pauvre, nous garder nous-mêmes : voici un service que l’évêque de Rome est appelé à accomplir, mais auquel nous sommes tous appelés pour faire resplendir l’étoile de l’espérance : gardons avec amour ce que Dieu nous a donné ![4]

Cependant nous nous apercevons vite que garder avec amour ce que Dieu nous a donné n’est pas si facile, en particulier à cause de notre péché et du péché du monde. Et l’un des effets principaux du péché est de nous éloigner de l’amour. Il nous est ainsi plus difficile d’aimer qu’aux premiers moments de la Création, avant le péché originel, parce que nous portons en nous cette mystérieuse tendance à ne pas aimer l’amour[5]. Et nous ressentons souvent cette tendance avec tristesse, car « l’expérience du péché comme refus de suivre (le Christ), comme offense à son amitié, jette une ombre dans notre cœur[6]. »

C’est pourquoi François insiste avec tant de force, au point de répéter deux fois cette même phrase : « Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même de la tendresse ! »  – « Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse ! »

La bonté et la tendresse ne sont pas des valeurs majeures dans le monde contemporain, du moins dans ce que montrent les médias chaque jour.  L’efficacité et le succès semblent les supplanter dans tous les domaines, qu’ils soient professionnels, sociaux ou personnels. Une certaine fausse pudeur nous prend d’ailleurs souvent, lorsque nous voudrions parler de bonté et de tendresse, qui nous fait penser : ‘‘de quoi vais-je avoir l’air, si je parle de tendresse ?’’

Pour être les gardiens de ce que Dieu nous a donné, comme nous le demande le Saint-Père, nous devons faire croître en nous la tendresse et la bonté, et les annoncer au monde qui nous entoure. Et pour cela nous ne devons pas en avoir peur.

2.      L’amour de Dieu, sa tendresse et sa bonté nous précèdent

Pour ne pas avoir peur de la bonté et de la tendresse, et pour comprendre que nous sommes sur le bon chemin si nous les développons en nous, il est important que nous gardions en tête que la bonté et la tendresse sont d’abord des attributs de Dieu. Dans toute la Bible, Dieu se révèle comme un Dieu bon et tendre pour son peuple. Fidèle à ses alliances avec Noé, Abraham et Moïse, le Seigneur ne cesse de revenir, inlassablement, à la rencontre de l’homme lorsque celui-ci s’éloigne de lui. Un verset du psaume 144(145) réunit à la fois la bonté et la tendresse du Seigneur : « la bonté (bAj) du Seigneur est pour tous, sa tendresse (mxr), pour toutes ses œuvres » (Ps 144(145), 9, AELF).

bAj (tôb), c’est l’adjectif que le Seigneur utilise pour qualifier sa création, « Et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1). C’est aussi le mot qui sert à distinguer le bien du le mal (Gn 3). Et c’est ainsi que les auteurs de l’Ancien Testament qualifient Dieu en retour. mxr (rêhêm ou raham) désigne d’abord les entrailles, le ventre de la mère qui porte son enfant. Par extension, il décrit par analogie l’amour des parents pour leurs enfants, qui les touche au fond du cœur. C’est le mot qui a donné en latin notre ‘‘miséricorde’’. Dieu s’est donc révélé dès le début comme un Dieu bon et tendre à la fois.

Le sommet de l’amour prévenant de Dieu, nous le savons, a été le don qu’Il a fait de son fils unique Jésus-Christ pour nous sauver du péché et de la mort. Saint Paul l’a magnifiquement exprimé dans son hymne aux Ephésiens :

3 Qu’il soit béni, le Dieu et Père de notre Seigneur, Jésus, le Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. 4 Il nous a choisis, dans le Christ, avant que le monde fût créé, pour être saints et sans péchés devant sa face grâce à son amour. 5 Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs  par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, 6 à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous a faite dans le Fils bien-aimé. 7 En lui, par son sang, nous avons le rachat, le pardon des péchés. (Ep 1,3-7, AELF)

L’amour de Dieu nous précède donc et nous rejoint lorsque nous lui sommes infidèles. Cela doit être pour chacun de nous une source intarissable de joie et d’action de grâce qui s’exprime en louange ! Et je crois que nous pouvons en tirer également une cause de confiance et d’espérance très profondes, engendrées par la certitude que Dieu nous aime quelles que soient nos limites et quels que soient nos échecs à sa suite. Nous ne devons par ailleurs jamais oublier que cet amour de Dieu est destiné à tous les hommes et à toutes les femmes, nos frères et sœurs en Jésus Christ.

Je sais que beaucoup d’entre vous ont été éprouvés ces derniers mois par les débats politiques et sociaux en France, en particulier lors du vote de la loi sur le « mariage pour tous ». Les prises de parole publiques de responsables religieux et de nombreux chrétiens n’ont pas manqué, et nous pouvons en être fiers. Ce projet de loi laisse la société française profondément divisée, durablement meurtrie. Les personnes que nous rencontrons chaque jour, et en particulier celles que nous rencontrerons pendant notre semaine de mission à Franconville, ne sont pas indifférentes à ce débat, elles ont toutes un avis sur le sujet, et nous aurons à en discuter parfois. N’oublions jamais que « Dieu […] a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle. » (Jn 3,16, TOB) C’est pourquoi le Pape François nous invite à faire grandir la bonté et la tendresse en nous d’abord, pour qu’elles rejaillissent ensuite autour de nous.

C’est le sens du conseil que saint Paul donnait à son disciple Tite, dans un contexte pourtant loin d’être favorable à l’Eglise naissante :

1 Rappelle à tous qu’ils doivent être soumis aux magistrats, aux autorités, qu’ils doivent obéir, être prêts à toute œuvre bonne, 2 n’injurier personne, éviter les querelles, se montrer bienveillants, faire preuve d’une continuelle douceur envers tous les hommes. 3 Car nous aussi, autrefois, nous étions insensés, rebelles, égarés, asservis à toutes sortes de désirs et de plaisirs, vivant dans la méchanceté et l’envie, odieux et nous haïssant les uns les autres. 4 Mais lorsque se sont manifestés la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, 5 il nous a sauvés non en vertu d’œuvres que nous aurions accomplies nous-mêmes dans la justice, mais en vertu de sa miséricorde, par le bain de la nouvelle naissance et de la rénovation que produit l’Esprit Saint. 6 Cet Esprit, il l’a répandu sur nous avec abondance par Jésus Christ notre Sauveur, 7 afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions, selon l’espérance, héritiers de la vie éternelle. (Tt 3,1-7, TOB)

     La force que Dieu donne aux croyants, par l’Esprit Saint, c’est l’espérance, que le Catéchisme de l’Eglise catholique définit ainsi :

L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit. (n°1817)

C’est parce que nous croyons que le Christ a accompli la promesse de salut que Dieu avait faite à son peuple, et aidés par l’Esprit Saint reçu au baptême, sûrs que la tendresse et la bonté de Dieu nous précèdent, que nous pouvons avancer joyeux et confiants dans le monde contemporain, pour lui annoncer la Bonne nouvelle.

3.      Saint François d’Assise, modèle sur ce chemin

Un beau modèle sur ce chemin exigeant nous est proposé par le Saint-Père qui a choisi le nom de François pour se placer sous le patronage de Poverello d’Assise. Quel encouragement pour Adveniat qui a pris saint François et saint Dominique comme principaux exemples !

Saint François d’Assise nous donne un triple exemple d’amour de Dieu, d’amour du prochain, et d’humble espérance. Son amour de Dieu se manifeste dans sa capacité à le louer à chaque instant de sa vie, comme en témoigne son Cantique des Créatures : « Très haut, tout puissant et bon Seigneur, à toi louange, gloire, honneur, et toute bénédiction ; à toi seul ils conviennent, ô Très-Haut, et nul homme n’est digne de te nommer. » Saint François est le modèle-même de l’homme qui reconnaît que sans Dieu il ne pourrait rien faire, et qui en ressent un amour d’autant plus grand pour le Seigneur.

De cet amour de Dieu est né un grand amour de tous les hommes, dès la conversion de saint François. Cet amour l’a conduit à épouser Dame Pauvreté et à fonder l’ordre des Frères mineurs pour annoncer l’Evangile dans les villes de son temps.

Voici comment le Seigneur me donna, à moi frère François, la grâce de commencer à faire pénitence. Au temps où j’étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable. Mais le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux ; je les soignai de tout mon cœur ; et au retour, ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit et pour le corps[7]

J’aimerais insister particulièrement sur son espérance. Vous savez combien saint François a été malmené à la fin de sa vie, au sein même de son ordre. Jamais pourtant il n’a douté de la victoire de Dieu sur le mal, ni du soutien de l’Esprit Saint dans toutes ses épreuves. Il en tirait une humilité extraordinaire, comme le rapporte un de ses fioretti : « au-dessus de toutes les grâces et dons de l’Esprit-Saint que le Christ accorde à ses amis, il y a celui de se vaincre soi-même, et de supporter volontiers pour l’amour du Christ les peines, les injures, les opprobres et les incommodités[8] ».

Dans notre vie de tous les jours, et pour nous préparer à la semaine missionnaire à Franconville où je vous espère nombreux, suivons donc l’exemple de saint François d’Assise dans son amour de Dieu, son amour du prochain et son humble espérance ! Et continuons de porter Adveniat dans notre prière, avec le Notre Père quotidien et cette prière de saint François :

Que ton règne vienne,
règne en nous dès maintenant par la grâce,
introduis-nous un jour en ton royaume
où sans ombre enfin nous te verrons,
où deviendra parfait notre amour pour toi,
bienheureuse notre union avec toi,
éternelle notre jouissance de toi.

De tout cœur, par l’intercession de la Vierge Marie et de saint Joseph,
je vous bénis !

Sébastien Thomas +
prêtre


[1] François, Homélie de la Messe d’inauguration de son ministère d’évêque de Rome, 19 mars 2013.
[2] Vatican II, Const. past. Gaudium et spes sur l’Eglise dans le monde de ce temps (7 décembre 1965), n°1.
[3] ibid., n°2.
[4] François, op. cit.
[5] cf. G. Bernanos, Journal d’un curé de campagne, 1936.
[6] Benoît XVI, Message pour la 27e journée mondiale de la jeunesse, 15 mars 2012.
[7] François d’Assise, Testament.
[8] François d’Assise, Fioretti, chapitre 8.

jeudi 14 mars 2013

Habemus Papam !


Marines, ce 14 mars 2013

Chers frères et sœurs,

Nous sommes dans la joie d'accueillir notre nouveau Pape ! Les cloches des églises du monde entier ont retenti hier soir peu après 19 heures pour saluer l’élection du Pape François.

Né en 1936, l’ancien archevêque de Buenos Aires est un ascète, qui a toujours fait du combat pour les pauvres sa priorité. Jorge Mario Bergoglio est le premier pape latino-américain et le premier jésuite accédant au Souverain Pontificat. « Il écoute deux fois plus qu’il ne parle et perçoit bien plus que ce qu’il écoute », confiait un de ses proches à La Croix en 2005. Nous apprendrons à connaître notre nouveau Pape dans les jours à venir, notamment lors de la Messe inaugurale du Pontificat, mardi prochain 19 mars.

Plus particulièrement, je rends grâce à Dieu pour l’élection du Pape François qui nous encourage à poursuivre notre mouvement vers les plus pauvres de notre paroisse, que je confie à l’intercession du Poverello d’Assise.

Merci, Messieurs les Cardinaux, d'avoir écouté l'Esprit Saint. Merci, Très Saint Père, d'avoir obéi à Sa volonté ! Vive le Pape François !

Abbé Sébastien Thomas +, curé

dimanche 10 février 2013

Lettre pastorale « L’amour du Christ nous presse. »






   








Lettre pastorale
de l’abbé Sébastien Thomas, curé,
à tous les paroissiens du groupement de Marines

« L’amour du Christ nous presse. »



Chers frères et sœurs,
D
epuis mon arrivée dans le Vexin et mon installation comme votre nouveau curé, j’ai découvert peu à peu nos villages, visité les églises, rencontré les acteurs de la vie sociale et paroissiale. Depuis près de six mois, j’ai commencé à connaître ces deux cantons de Marines et de Vigny, et vous avez commencé à me connaître. Vous le savez, je suis arrivé sans expérience et sans programme pastoral. Fraîchement sorti des études, j’aurais été bien en peine de vous dire comment j’envisageais les choses a priori !
Par cette lettre pastorale, je voudrais partager avec vous un projet qui est né au cours de ces découvertes, de ces visites et de ces rencontres. Grâce à nos échanges, favorisés par le bon accueil que vous m’avez tous réservé parmi vous, je connais à présent mieux notre paroisse, j’en comprends mieux l’organisation, j’ai pu en discerner les forces et les faiblesses. Aujourd’hui, il me semble important que sans tarder notre communauté chrétienne se tourne résolument vers les plus pauvres. Ce projet, je le porte déjà depuis plusieurs semaines dans la prière. La Providence a voulu que la retraite des prêtres du diocèse de Pontoise soit prêchée en décembre dernier par Jean Vanier, fondateur de l’Arche, sur le thème « transformés par la rencontre des plus pauvres ».
Permettez-moi de reprendre avec vous les prémices de ce projet, puis d’en donner quelques bases théologiques et spirituelles, avant d’en tracer les grandes lignes.

1.      Un constat
En arrivant dans le Vexin, j’ai été rapidement étonné par le faible nombre de demandes de communion pour les malades et les personnes âgées – et je n’ai pas encore célébré une seule fois le sacrement des malades. J’ai donc proposé d’aller rendre visite à ces personnes chez elles, selon l’invitation de Jésus : « j’étais malade et vous m’avez visité » (Evangile selon saint Matthieu 25,36).
Ma surprise a été grande, car très vite j’ai été débordé, et je n’ai pas pu visiter toutes les personnes qui m’avaient été indiquées – et je ne parle pas des visites de l’hôpital et des maisons de retraite, que je n’ai pu accomplir jusqu’ici. Confronté à mes propres limites, j’ai alors demandé de l’aide, et je me suis rendu compte que beaucoup désiraient visiter les malades et leur porter la communion, mais qu’ils avaient peur de ne pas savoir comment faire, d’être maladroits.
D’autres rencontres m’ont révélé l’état de pauvreté d’une grande partie de la population de nos deux cantons. L’absence d’une famille solide, l’inactivité durable, l’alcool, la drogue, la perte du sens moral, et tant d’autres facteurs abîment notre société, et ne croyons pas que notre Vexin en soit exempt. Je suis déjà témoin de nombreuses pauvretés, des pauvretés qui se cachent, des pauvretés que trop souvent nous ne voulons pas voir, mais des pauvretés qui nous appellent et qui ne peuvent nous laisser indifférents. Il serait confortable de se laisser croire que ces pauvretés n’existent pas. Mais « l’amour du Christ nous presse » (2e Lettre aux Corinthiens 5,14) et nous ne pouvons pas rester sans réagir.
Beaucoup d’initiatives individuelles existent déjà, nombreux sont ceux qui vont visiter des malades et des personnes âgées, ou qui s’engagent pour aider les plus démunis. Les municipalités sont également attentives aux plus pauvres, et elles œuvrent avec efficacité. Les associations ne manquent pas, qui organisent l’action contre la pauvreté, en France ou à l’étranger. Mais je crois que notre paroisse doit elle aussi se mettre en marche, en tant que paroisse.

2.      Une conviction
Cette conviction est simple : notre paroisse, constituée de trente-cinq villages, forme un tout. Elle est le Corps du Christ dans les cantons de Marines et de Vigny. En tant que telle, elle doit se mettre au service des plus pauvres, comme le Christ lui-même l’a fait : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, » (Evangile selon saint Luc 4,18).
Les pauvretés sont nombreuses, elles prennent des visages très divers, j’en ai déjà énuméré un certain nombre. Chacun de nous ne peut pas s’attaquer à tous les problèmes en même temps, mais notre complémentarité constitue la force du Corps du Christ dont nous sommes les membres, selon la belle image de saint Paul : « notre corps forme un tout, et pourtant nous avons plusieurs membres, qui n’ont pas tous la même fonction ; de même, dans le Christ, tous, tant que nous sommes, nous formons un seul corps ; tous et chacun, nous sommes membres les uns des autres. » (Lettre aux Romains, 12,4-5).
L’image du corps et des membres peut également nous convaincre de la nécessité d’agir contre la souffrance de nos frères et sœurs : « Si un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes les membres de ce corps. » (1ère Lettre aux Corinthiens, 12,26-27).
Il faut donc que toutes les facultés du Corps du Christ se mettent en œuvre : que les yeux et les oreilles soient vigilants pour reconnaître les pauvretés et les souffrances de notre temps et alerter les autres membres, que la tête réfléchisse à la façon dont le corps peut agir, que les mains et les pieds s’activent au service des plus pauvres, et surtout : que chacun de nous se reconnaisse aussi dans le Cœur du Christ, pour que nous sachions aimer mieux les personnes que nous rencontrerons.

3.      Un projet
Vous le voyez, c’est d’abord la charité qui doit nous mouvoir. Non pas une charité froide qui nous satisferait parce que nous aurions donné de notre superflu pour une œuvre, mais véritablement l’amour même de Dieu, qu’Il met dans nos cœurs et qu’Il fait grandir. C’est pourquoi tous les grands saints de l’Eglise, jusqu’à la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta, invitent à privilégier la rencontre des pauvres à toute autre action. Pour être plus précis, disons que les actions en faveur des pauvres seront toujours la conséquence de la rencontre des personnes. Prenons exemple sur Jésus lui-même qui, avant de guérir l’aveugle Bartimée, entre en dialogue avec lui : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Evangile selon saint Marc, 10,51). C’est ainsi que, pour reprendre les mots de Jean Vanier,  nous devons passer de la générosité à la communion. Passer de la générosité à la communion, c’est reconnaître que nous-mêmes avons besoin des autres, que nous sommes pauvres, et que nous grandissons ensemble, les uns grâce aux autres.
Au XVIIe siècle, nos villages ont été sillonnés par un grand saint missionnaire. Jeune oratorien, saint Jean Eudes a vécu à Marines, avant de fonder en 1643 la Congrégation de Jésus et Marie (les Eudistes) au service de la formation du clergé et de l’évangélisation des campagnes. Et il séjourna aussi plusieurs fois à Ableiges. Il a laissé de nombreux écrits, notamment concernant « les œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle [qui sont] l’office et métier principal de tous les chrétiens, de quelque condition qu’ils soient[1]». Serviteur infatigable, saint Jean Eudes a trouvé sa force et son endurance dans l’amour des Cœurs de Jésus et Marie, auxquels il s’est consacré dans l’église de Marines le 25 mars 1624. C’est pourquoi je souhaite qu’il soit le patron de notre mouvement qui commence.
Dans la prière, la réflexion et le dialogue, nous établirons progressivement cette Communion Saint-Jean-Eudes. Toutes les propositions seront les bienvenues, et je suis à votre disposition pour échanger toutes nos idées. Tous, nous devons nous sentir concernés ; tous, nous avons notre part dans la mission. Je compte sur chacun de vous. Une équipe sera bientôt mise en place pour coordonner la réflexion et proposer des orientations. Elle s’appuiera sur les actions qui existent déjà dans notre paroisse en faveur des plus pauvres.
N’ayons pas peur face aux pauvretés que nous pouvons rencontrer, les nôtres et celles des autres. Nous nous sentons parfois seuls devant elles, nous serons nombreux ! Nous nous sentons désarmés, nous ferons des formations et nous trouverons des moyens de lutter. Passons de la générosité à la communion, et tout sera possible :  « vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes les membres de ce corps. »

Conclusion
La proximité cette année entre la date de la Journée mondiale des malades et celle du mercredi des Cendres donne à cette lettre une dimension d’exhortation de Carême. Le temps de préparation à Pâques dans lequel nous entrerons dans trois jours sera pour nous le temps du mûrissement de ce projet. Car la prière, le jeûne et l’aumône doivent nous conduire droit vers les plus pauvres et les plus souffrants, davantage encore en cette année Diaconia que l’Eglise de France a voulu leur consacrer en priorité.
Dans son message pour la Journée mondiale des malades, le Saint-Père nous encourage : « L’Année de la foi que nous sommes en train de vivre constitue une occasion propice pour intensifier la diaconie de la charité dans nos communautés ecclésiales, pour être chacun un bon samaritain pour l’autre, pour celui qui se tient à côté de nous[2]. » Je vous invite donc à un triple effort de vigilance, de créativité et d’action pendant ce temps de Carême, pour que Dieu suscite dans notre paroisse l’œuvre qu’Il désire.
Vigilance, d’abord, pour reconnaître autour de nous les besoins de nos prochains, pour nous laisser surprendre par des détresses que nous ne voyions pas jusque-là. Créativité, ensuite, car il nous faudra trouver de nouveaux moyens pour aller à la rencontre de nos frères et sœurs, et pour lutter contre toutes les pauvretés : formations, locaux, financements, il nous faudra tout inventer. Action, enfin, car le risque est toujours de se payer de mots. Ne nous contentons pas de bonnes intentions, mais mettons-nous en marche !
Les jeudis du temps de Carême nous aideront à mettre en œuvre ces trois axes : nous nous retrouverons chaque jeudi au Centre Saint-Remy de Marines à 19 heures pour partager un repas de jeûne et découvrir un aspect de la pauvreté dans notre paroisse, avec un intervenant invité. La soirée se poursuivra comme d’habitude par la Messe à 20h30 et l’adoration jusqu’à 22 heures.
Pour mener cet effort, nous avons besoin de l’aide du Saint Esprit. Rendons-nous disponibles à son inspiration en priant longuement, en lisant la Sainte Ecriture, en vivant des sacrements – en particulier l’Eucharistie et la Réconciliation. L’Heure sainte du jeudi soir et nos assemblées dominicales sont à cet égard des temps privilégiés.
Et confions-nous à l’intercession de saint Jean Eudes dont la statue orne le chœur de l’église de Marines depuis ce dimanche, en reprenant ensemble une prière qu’il proposait avant la visite des pauvres, des malades et des affligés :
O Jésus, je vous offre cette action
en l’honneur et union du même amour
avec lequel vous êtes venu du ciel en terre
pour visiter les pauvres
et consoler les affligés.
Je me donne à vous pour consoler
et aider les affligés et les pauvres,
autant que vous le désirez de moi.
Faites-moi participant, s’il vous plaît,
de la charité très grande
que vous avez pour eux
[3].

De tout cœur, je vous bénis !

Fait à Marines, ce dimanche 10 février 2013, Journée mondiale des malades.



Abbé Sébastien Thomas
Curé des paroisses
du groupement de Marines




[1] S. Jean EUDES, Œuvres complètes, publié par J. Dauphin et Ch. Lebrun, Vannes, 1905-1911, 12 vol., in-16, T. II, pp.432 et 470 (Catéchisme de la Mission).
[2] Benoît XVI, Message pour la XXe Journée mondiale du Malade (2 janvier 2013), n°4.
[3] S. Jean EUDES, Œuvres complètes, publié par J. Dauphin et Ch. Lebrun, Vannes, 1905-1911, 12 vol., in-16, T. I, p.450 .