J’en avais beaucoup entendu parler, plutôt en mal c’est vrai… L’expérience des communautés locales du diocèse de Poitiers ne laisse personne indifférent : soit l’on est pour, soit l’on est contre.
La retraite de rentrée du Séminaire, prêchée par Monseigneur Albert Rouet, archevêque de Poitiers, a été une très bonne introduction à cette question. La lecture de son livre de 2005, écrit avec d’autres acteurs des communautés locales a été pour moi l’objet d’une grande réflexion sur le ministère de prêtre dans l’Eglise aujourd’hui.
Le constat de Mgr Rouet est simple : dans sa structure actuelle, l’Eglise ne peut pas continuer de fonctionner. La raison n’en est pas directement le manque de vocations presbytérales, mais le fait que l’implication des laïcs dans la vie ecclésiale est nécessaire, au nom même de leur baptême. L’archevêque de Poitiers, fondé sur une solide théologie du baptême et de l’ « égalité baptismale » des chrétiens, citant souvent l’Ecriture et les textes du Concile Vatican II, préconise donc l’organisation des communautés chrétiennes non plus en paroisses – modèle hérité du Concile de Trente au XVIe siècle – mais en communautés locales constituées d’une équipe de base de cinq personnes laïques chargées des grandes fonctions de la communauté (liturgie, transmission de la foi, solidarité, liturgie et coordination). Autour de ces équipes de bases, ou plutôt à leur fondation, il y a les communautés locales, qui correspondent à chaque village ou à chaque clocher. Le résultat, treize ans après, est éloquent : sauf quelques exceptions, les communautés locales vivent une réelle vie de foi, elles sont reconnues par les autorités locales comme des partenaires de valeur… Bref, l’Eglise présente à Poitiers un visage dynamique et bien vivant !
Ce qui m’a le plus frappé, chez Mgr Rouet, c’est cette volonté d’aller de l’avant malgré les difficultés. Voilà un évêque, me suis-je dit, qui ne se morfond pas sur l’état de son diocèse, sur le manque de vocation, sur la baisse du nombre de pratiquants, mais qui prend les moyens de faire vivre l’Eglise qui lui est confiée ! Et son enthousiasme est communicatif : « il ne s’agit plus d’attendre des jours meilleurs, écrit Gisèle Bulteau dans le livre, mais de prendre en charge la vie chrétienne sur un lieu donné. » (p. 73)
Cependant, ce livre n’est pas sans me poser de grandes questions sur les fondements mêmes de l’organisation du diocèse de Poitiers, et particulièrement – vous me comprendrez – sur le ministère presbytéral dans un tel système.
-1- Si le prêtre, par l’ordination presbytérale, est configuré au « Christ, Pasteur et Chef », « consacré pour prêcher l’Evangile, paître les fidèles, célébrer le culte divin […] tenant la place du Christ et proclamant son mystère » (Vatican II, const. dogm. Lumen Gentium n° 28), comment peut-on envisager une « certaine autonomie » (p. 96) des communautés locales par rapport au prêtre ?
-2- Si le ministère du prêtre est réduit à un « ministère de communion entre les différentes communautés à eux confiées » (pp. 154-155), alors comment vivre au contact de tous les chrétiens, et même au contact de tous les hommes ? Ce point peut sembler anodin, mais il me semble central quant à la mission de prédication de l’Evangile confiée au prêtre. Si je veux devenir prêtre, c’est bien pour porter la Bonne Nouvelle du salut au monde entier.
Cela ne doit pas occulter néanmoins tout l’intérêt de ce livre ! J’ai eu beaucoup de plaisir à le lire, et à m’interroger à partir de ce que je connais – c’est encore trop peu sans doute – de l’expérience menée à Poitiers. Je garde d’abord au cœur l’image d’un évêque qui ne baisse pas les bras, d’un chrétien vivant de l’Evangile et qui veut que le peuple qui lui est confié fasse de même ! Merci, Mgr Rouet, de cet exemple que vous nous donnez ! Et merci à l’Eglise qui est à Poitiers de nous partager son expérience, pour que chaque baptisé, là où il vit, puisse participer à l’avènement du Règne de Dieu !