Lettre pastorale
de l’abbé Sébastien Thomas, curé,
à tous les paroissiens du groupement de Marines
Chers
frères et sœurs,
En ces
jours bénis, l’Eglise célèbre l’immense joie de la Résurrection du
Christ en chantant sans se lasser la louange du Père dans l’Esprit Saint que
Jésus a donné à ses apôtres au matin de Pâques. Alléluia ! Louez
Dieu ! Que notre joie déborde et qu’elle se répande dans le monde
entier ! Pâques est véritablement le cœur de « la joie chrétienne
[qui] est participation spirituelle à la joie insondable[1] »
du Christ lui-même.
Il y a
deux ans, je vous écrivais la lettre « L’amour du Christ nous
presse » par laquelle je voulais vous inviter à vous mettre en marche
pour que « notre communauté chrétienne se tourne résolument vers les
plus pauvres » et qu’ainsi elle grandisse dans l’amour. Je voudrais
aujourd’hui vous encourager à découvrir une conséquence de l’amour : la
joie est véritablement le trésor des chrétiens. Si vous me permettez cette
confidence, c’est par le témoignage de la joie d’autres personnes que je suis
devenu croyant, et même que je suis devenu prêtre. Si notre communauté
paroissiale est joyeuse, alors elle sera missionnaire et sa mission portera des
fruits.
1. Vivons
dans la joie
La
première question que nous pouvons nous poser est la suivante : où trouver
la joie dans notre vie ? Mon dictionnaire Robert définit la joie comme une
« émotion agréable et profonde […] liée à une cause
particulière », mais il ne reconnaît pas cette cause ! Et nous
aussi serions peut-être en peine de définir la source de notre joie. Saint
Thomas d’Aquin est sans doute celui qui l’a le mieux identifiée : c’est « l’amour,
ou bien parce que celui que nous aimons est présent, ou bien encore parce que
lui-même est en possession de son bien propre, et le conserve[2]. »
Ainsi nous découvrons que lorsque nous ressentons de la joie, c’est parce que
nous aimons. Et c’est l’expérience que nous faisons bien souvent : la joie
apparaît non pas parce que nous la recherchons en elle-même, mais elle apparaît
comme en ricochet. Elle est tantôt la récompense d’un devoir accompli, tantôt
le débordement d’un amour quand l’être aimé est près de nous, tantôt encore le
simple contrecoup de savoir l’autre dans la joie. Quoi qu’il en soit, je crois
que la joie est toujours désintéressée, comme l’amour lui-même.
La
meilleure image que Jésus nous donne est celle des enfants. Ils nous montrent
l’exemple d’une joie simple. Ils savent dire leur joie avec beaucoup de
finesse, sans toujours s’en rendre compte ! Et Jésus nous invite plusieurs
fois à imiter les enfants : « Laissez les enfants venir à moi, et
ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur
ressemblent » (Evangile selon saint Luc 18,16). A l’autre bout de la
vie, nous pourrions également contempler la belle joie des grands-parents qui
savent se réjouir de la joie des autres, qui goûtent pleinement une visite, et
dont les yeux scintillent à l’évocation de ceux qu’ils aiment.
Je
parlais plus haut de la joie comme trésor des chrétiens. Serait-ce à dire que
la joie est seulement chrétienne ? Certainement, nous pouvons voir autour
de nous des personnes non chrétiennes et qui ressentent une joie authentique.
L’amour ne se borne pas aux frontières de l’Eglise ! Pourtant, nous
croyons que « Dieu est amour » (1ère lettre de
saint Jean 4,8) et que « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné
son Fils unique » (Evangile selon saint Jean 3,16). Au cœur des fêtes
pascales que nous vivons, il y a cette joie fondamentale d’être aimés de Dieu,
d’un amour tel qu’Il nous a donné Jésus, sa Parole faite chair, pour nous
sauver du péché et de la mort. Ainsi le Pape François peut-il affirmer que « la joie de l’Evangile remplit le cœur et toute
la vie de ceux qui rencontrent Jésus[3] », et le
Saint-Père ajoute : « c’est seulement grâce à cette rencontre – ou
nouvelle rencontre – avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié,
que nous sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’auto-référence[4]. »
Nous
comprenons mieux alors que l’amour de Dieu fait grandir notre joie. Le christianisme
est vraiment la religion de l’amour ; c’est en ce sens qu’on peut dire que
la joie est le trésor des chrétiens. Et comme tout trésor, la joie nous oblige
– en tant que chrétiens – à la développer et à la partager, sans quoi nous
risquerions de la perdre !
2. Grandissons
dans la joie
Développer
notre joie est essentiel, car « là où est votre trésor, là aussi sera
votre cœur » (Evangile selon saint Luc 12,34). Comme l’homme qui avait
trouvé un trésor dans un champ : « Dans sa joie, il va vendre tout
ce qu’il possède, et il achète ce champ » (Evangile selon saint
Matthieu 13,44). Nous aussi, mettons tout en œuvre pour grandir dans la
joie ! Et pour cela, nous avons compris qu’il nous faut grandir dans
l’amour. Nombreux sont les moyens qui nous sont donnés pour faire croître notre
amour.
Relisons
d’abord la réponse que Jésus donne à un homme qui l’interrogeait sur le plus grand commandement de la Loi : « Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton
esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable
: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend
toute la Loi , ainsi
que les Prophètes » (Evangile selon saint Matthieu 22,37-40). L’amour
de Dieu et l’amour des hommes sont indissociables. Il serait illusoire de
vouloir aimer Dieu en refusant d’aimer les hommes, et l’amour des hommes sans
l’amour de Dieu est vidé de sa substance. Si nous voulons faire croître notre
amour, c’est notre amour à la fois de Dieu et des hommes qu’il nous faut faire
grandir.
L’Eglise
propose traditionnellement quatre axes d’insistance pour grandir dans l’amour,
regardons-les un à un.
- L’écoute de la Parole de Dieu
« Quand je rencontrais tes paroles, je les
dévorais ; elles faisaient ma joie, les délices de mon cœur » (Livre de Jérémie 15,16). La première
chose à faire pour aimer quelqu’un, c’est de l’écouter pour le connaître. C’est
un principe spirituel essentiel : écouter Dieu parler, pour mieux le
connaître et mieux l’aimer. Chaque jour, prenons le temps de nous imprégner de la Parole de Dieu, en lisant la Bible , en priant avec les
textes du jour (dans notre Magnificat, dans notre Prions en Eglise,
sur notre smartphone…).
- La célébration des sacrements
Les
sacrements sont les signes efficaces de l’amour de Dieu pour nous. N’hésitons
pas à les recevoir ! Le Baptême est la porte d’entrée de tous les
sacrements, il n’est jamais trop tard pour le demander ! Ainsi de la Confirmation qui nous donne
la plénitude de l’Esprit de Dieu. L’Eucharistie, « source et sommet de
toute la vie chrétienne[5] »,
est une aide précieuse dans notre vie, qui nous donne la force et la joie
nécessaires à affronter les épreuves. La Réconciliation , qui peut à juste titre est
appelée le Sacrement de la joie[6],
est trop méconnue et demande qu’on la redécouvre. L’Onction des malades est
également trop souvent ignorée, alors qu’elle représente un soutien immense
dans la souffrance. Le Mariage et l’Ordre, enfin, donnent sens à notre vie et
nous aident à mieux aimer. Chaque sacrement participe à la croissance de notre
amour de Dieu et des hommes, n’ayons pas peur de les recevoir !
- La mise en œuvre des commandements
Nous
avons entendu Jésus nous dire que toute la Loi se résume dans le double commandement de
l’amour de Dieu et des autres. Ainsi, nous comprenons que notre vie morale, la
mise en œuvre des commandements de Dieu et de l’Eglise, nous aide à mieux
aimer. Nos efforts pour nous améliorer ne sont pas vains, et ils fructifient en
amour et en joie.
- La vie fraternelle
L’exercice
de la charité fraternelle est enfin la partie émergée et la vérification de
tout ce qui précède. A quoi servirait d’écouter la Parole de Dieu, de recevoir
les sacrements et d’observer les commandements, si nous restions isolés,
acariâtres et désagréables ? Ainsi le Père Bernard Dagron pouvait-il dire dans une conférence récente que « nous
sommes à l’image de Dieu quand nous sommes créatifs, quand nous sommes aimants
et quand nous sommes miséricordieux. » C’est une bonne définition, je
pense, de la vie fraternelle, au sein de nos familles, de notre paroisse, de
nos villages, dans tous les milieux où nous vivons, et en particulier auprès
des plus pauvres.
La
question de la place au sein de l’Eglise des personnes qui, par leur situation
de vie, ne peuvent pas recevoir les sacrements, a été clairement posée par le
Synode sur la famille, réuni l’an dernier et cette année par le Pape à Rome. Au
terme de cette seconde partie, nous comprenons mieux comment ces personnes sont
invitées à grandir dans la joie chrétienne, en écoutant la Parole de Dieu, en
observant ses commandements et en étant attentives aux autres, au nom de leur
baptême et de leur confirmation.
3. Partageons
notre joie
Un trésor, ça se partage. « L’Église a pour
vocation d’apporter au monde la joie, une joie authentique qui demeure[7]. » C’est
pourquoi notre Eglise est appelée à rayonner de la joie dont elle vit, à la
partager avec le monde entier. Notre évêque a ainsi pu affirmer récemment que
dans le Val d’Oise « il est urgent que nos communautés, habitées par le
dynamisme et la joie du Ressuscité, se rendent disponibles à entendre l’appel
de Dieu[8]. »
Le
Jubilé de notre diocèse, célébrant le 50e anniversaire de sa
fondation, sera pour chacun de nous l’occasion de se mettre à l’écoute de
l’Evangile selon saint Luc, pour « nous permettre une nouvelle relation
à Dieu, une nouvelle relation au frère, une nouvelle relation au monde[9]. »
Ce renouvellement de notre amour de Dieu et des hommes sera aussi
renouvellement de notre joie. Et la coïncidence de cette année jubilaire avec
l’année sainte de la miséricorde annoncée par le Pape François aura pour nous
un sens profond en vue de « trouver dans
ce jubilé la joie pour redécouvrir et rendre féconde la miséricorde de Dieu,
avec laquelle nous sommes tous appelés à apporter le réconfort à chaque homme
et à chaque femme de notre temps[10]. »
Vous le
voyez, tout concorde pour que nous nous mettions tous en marche pour
redécouvrir et approfondir la joie qui nous habite, joie d’aimer et d’être
aimés, joie de vivre dans un monde aimé de Dieu, joie d’être témoins de cet
amour. Dans notre paroisse, de nombreux moyens sont mis en œuvre à cette fin,
selon la sensibilité de chacun. La beauté de nos liturgies est centrale, car
elle nous rassemble et nous porte vers Dieu, en même temps qu’en elle Dieu se
donne à nous. Les formations pour tous les âges (éveil à la foi, catéchisme,
aumônerie, cours bibliques, catéchèse pour adultes, retraites de Carême, etc.)
nous aident à mieux connaître Dieu pour mieux l’aimer. Les Dimanches en
famille font croître notre amour fraternel. Tout ce qui peut contribuer à
faire grandir notre amour de Dieu et de nos frères doit être mis en œuvre.
C’est pourquoi, pour finir cette lettre, j’aimerais vous
inviter à constituer de petites équipes de partage. Un trésor, ça se partage.
Et la joie a ceci d’extraordinaire qu’elle grandit quand on la partage. Saint
Jean XXIII aimait dire que « la paroisse, c’est la fontaine du village
où chacun peut venir s’abreuver ». Je vous propose donc de créer sans
tarder des groupes que nous pourrions appeler des fontaines. Comme notre
paroisse compte de nombreux villages, nous aurons plusieurs fontaines – par
exemple une fontaine biblique où nous pourrons partager notre lecture de
l’Ecriture, une fontaine mariale fondée sur le Rosaire, une fontaine familiale
où nous partagerons nos vies de famille… J’imagine ces fontaines comme des
lieux où nous pourrons mettre en commun nos joies, nos préoccupations, nos
souffrances, tout ce qui fait nos vies. Vous le voyez, il faut tout
inventer ! Mais je ne doute pas qu’inspirés par l’Esprit Saint, en ce
temps de Pâques, nous serons créatifs ! Je compte sur vous pour me
proposer vos idées et pour vous mettre en marche, car c’est dans la mesure où
notre paroisse vivra pleinement de la joie du Ressuscité, qu’elle portera au
loin la mission que le Christ lui a donnée.
De tout
cœur, je vous bénis !
Fait à
Marines, ce 5 avril 2015,
Saint Jour de Pâques.
Saint Jour de Pâques.
Sébastien Thomas +
prêtre
[1]Bx Paul VI, Exhortation
apostolique Gaudete in Domino sur la joie chrétienne, n°14 (9 mai
1975).
[3]François, Exhortation apostolique EvangeliiGaudium
sur l’annonce de l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui (24 novembre 2013),
n°1.
[4]ibid., n°8.
[5]Concile Œcuménique
Vatican II, Constitution
dogmatique Lumen Gentium sur l’Eglise, n°11.
[6] Titre du beau livre d’André Mardegan, aux éditions Artège
(Perpignan, 2013).
[7]Benoît XVI, Message à l’occasion de la XXVIIe
Journée Mondiale de la Jeunesse (15 mars 2012).
[8]Mgr Stanislas
LALANNE, Démarche pastorale Ecoutons
l’appel de Dieu ! (8 septembre 2014), p. 8.
[9]Mgr Stanislas
LALANNE, Appel pour préparer
le Jubilé (février 2015).
[10]François, Homélie de la célébration pénitentielle
du 13 mars 2015 au Vatican.
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