dimanche 19 avril 2015

La joie, trésor des chrétiens.


Lettre pastorale
de l’abbé Sébastien Thomas, curé,
à tous les paroissiens du groupement de Marines

La joie, trésor des chrétiens.





Chers frères et sœurs,

En ces jours bénis, l’Eglise célèbre l’immense joie de la Résurrection du Christ en chantant sans se lasser la louange du Père dans l’Esprit Saint que Jésus a donné à ses apôtres au matin de Pâques. Alléluia ! Louez Dieu ! Que notre joie déborde et qu’elle se répande dans le monde entier ! Pâques est véritablement le cœur de « la joie chrétienne [qui] est participation spirituelle à la joie insondable[1] » du Christ lui-même.

Il y a deux ans, je vous écrivais la lettre « L’amour du Christ nous presse » par laquelle je voulais vous inviter à vous mettre en marche pour que « notre communauté chrétienne se tourne résolument vers les plus pauvres » et qu’ainsi elle grandisse dans l’amour. Je voudrais aujourd’hui vous encourager à découvrir une conséquence de l’amour : la joie est véritablement le trésor des chrétiens. Si vous me permettez cette confidence, c’est par le témoignage de la joie d’autres personnes que je suis devenu croyant, et même que je suis devenu prêtre. Si notre communauté paroissiale est joyeuse, alors elle sera missionnaire et sa mission portera des fruits.

1.     Vivons dans la joie

La première question que nous pouvons nous poser est la suivante : où trouver la joie dans notre vie ? Mon dictionnaire Robert définit la joie comme une « émotion agréable et profonde […] liée à une cause particulière », mais il ne reconnaît pas cette cause ! Et nous aussi serions peut-être en peine de définir la source de notre joie. Saint Thomas d’Aquin est sans doute celui qui l’a le mieux identifiée : c’est « l’amour, ou bien parce que celui que nous aimons est présent, ou bien encore parce que lui-même est en possession de son bien propre, et le conserve[2]. » Ainsi nous découvrons que lorsque nous ressentons de la joie, c’est parce que nous aimons. Et c’est l’expérience que nous faisons bien souvent : la joie apparaît non pas parce que nous la recherchons en elle-même, mais elle apparaît comme en ricochet. Elle est tantôt la récompense d’un devoir accompli, tantôt le débordement d’un amour quand l’être aimé est près de nous, tantôt encore le simple contrecoup de savoir l’autre dans la joie. Quoi qu’il en soit, je crois que la joie est toujours désintéressée, comme l’amour lui-même.

La meilleure image que Jésus nous donne est celle des enfants. Ils nous montrent l’exemple d’une joie simple. Ils savent dire leur joie avec beaucoup de finesse, sans toujours s’en rendre compte ! Et Jésus nous invite plusieurs fois à imiter les enfants : « Laissez les enfants venir à moi, et ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent » (Evangile selon saint Luc 18,16). A l’autre bout de la vie, nous pourrions également contempler la belle joie des grands-parents qui savent se réjouir de la joie des autres, qui goûtent pleinement une visite, et dont les yeux scintillent à l’évocation de ceux qu’ils aiment.

Je parlais plus haut de la joie comme trésor des chrétiens. Serait-ce à dire que la joie est seulement chrétienne ? Certainement, nous pouvons voir autour de nous des personnes non chrétiennes et qui ressentent une joie authentique. L’amour ne se borne pas aux frontières de l’Eglise ! Pourtant, nous croyons que « Dieu est amour » (1ère lettre de saint Jean 4,8) et que « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (Evangile selon saint Jean 3,16). Au cœur des fêtes pascales que nous vivons, il y a cette joie fondamentale d’être aimés de Dieu, d’un amour tel qu’Il nous a donné Jésus, sa Parole faite chair, pour nous sauver du péché et de la mort. Ainsi le Pape François peut-il affirmer que « la joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus[3] », et le Saint-Père ajoute : « c’est seulement grâce à cette rencontre – ou nouvelle rencontre – avec l’amour de Dieu, qui se convertit en heureuse amitié, que nous sommes délivrés de notre conscience isolée et de l’auto-référence[4]. »

Nous comprenons mieux alors que l’amour de Dieu fait grandir notre joie. Le christianisme est vraiment la religion de l’amour ; c’est en ce sens qu’on peut dire que la joie est le trésor des chrétiens. Et comme tout trésor, la joie nous oblige – en tant que chrétiens – à la développer et à la partager, sans quoi nous risquerions de la perdre ! 


2.     Grandissons dans la joie

Développer notre joie est essentiel, car « là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Evangile selon saint Luc 12,34). Comme l’homme qui avait trouvé un trésor dans un champ : « Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ » (Evangile selon saint Matthieu 13,44). Nous aussi, mettons tout en œuvre pour grandir dans la joie ! Et pour cela, nous avons compris qu’il nous faut grandir dans l’amour. Nombreux sont les moyens qui nous sont donnés pour faire croître notre amour.

Relisons d’abord la réponse que Jésus donne à un homme qui l’interrogeait  sur le plus grand commandement de la Loi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépend toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (Evangile selon saint Matthieu 22,37-40). L’amour de Dieu et l’amour des hommes sont indissociables. Il serait illusoire de vouloir aimer Dieu en refusant d’aimer les hommes, et l’amour des hommes sans l’amour de Dieu est vidé de sa substance. Si nous voulons faire croître notre amour, c’est notre amour à la fois de Dieu et des hommes qu’il nous faut faire grandir.

L’Eglise propose traditionnellement quatre axes d’insistance pour grandir dans l’amour, regardons-les un à un.

-        L’écoute de la Parole de Dieu

« Quand je rencontrais tes paroles, je les dévorais ; elles faisaient ma joie, les délices de mon cœur » (Livre de Jérémie 15,16). La première chose à faire pour aimer quelqu’un, c’est de l’écouter pour le connaître. C’est un principe spirituel essentiel : écouter Dieu parler, pour mieux le connaître et mieux l’aimer. Chaque jour, prenons le temps de nous imprégner de la Parole de Dieu, en lisant la Bible, en priant avec les textes du jour (dans notre Magnificat, dans notre Prions en Eglise, sur notre smartphone…).

-       La célébration des sacrements

Les sacrements sont les signes efficaces de l’amour de Dieu pour nous. N’hésitons pas à les recevoir ! Le Baptême est la porte d’entrée de tous les sacrements, il n’est jamais trop tard pour le demander ! Ainsi de la Confirmation qui nous donne la plénitude de l’Esprit de Dieu. L’Eucharistie, « source et sommet de toute la vie chrétienne[5] », est une aide précieuse dans notre vie, qui nous donne la force et la joie nécessaires à affronter les épreuves. La Réconciliation, qui peut à juste titre est appelée le Sacrement de la joie[6], est trop méconnue et demande qu’on la redécouvre. L’Onction des malades est également trop souvent ignorée, alors qu’elle représente un soutien immense dans la souffrance. Le Mariage et l’Ordre, enfin, donnent sens à notre vie et nous aident à mieux aimer. Chaque sacrement participe à la croissance de notre amour de Dieu et des hommes, n’ayons pas peur de les recevoir !

-         La mise en œuvre des commandements

Nous avons entendu Jésus nous dire que toute la Loi se résume dans le double commandement de l’amour de Dieu et des autres. Ainsi, nous comprenons que notre vie morale, la mise en œuvre des commandements de Dieu et de l’Eglise, nous aide à mieux aimer. Nos efforts pour nous améliorer ne sont pas vains, et ils fructifient en amour et en joie.

-         La vie fraternelle

L’exercice de la charité fraternelle est enfin la partie émergée et la vérification de tout ce qui précède. A quoi servirait d’écouter la Parole de Dieu, de recevoir les sacrements et d’observer les commandements, si nous restions isolés, acariâtres et désagréables ? Ainsi le Père Bernard Dagron pouvait-il dire dans une conférence récente que « nous sommes à l’image de Dieu quand nous sommes créatifs, quand nous sommes aimants et quand nous sommes miséricordieux. » C’est une bonne définition, je pense, de la vie fraternelle, au sein de nos familles, de notre paroisse, de nos villages, dans tous les milieux où nous vivons, et en particulier auprès des plus pauvres.

La question de la place au sein de l’Eglise des personnes qui, par leur situation de vie, ne peuvent pas recevoir les sacrements, a été clairement posée par le Synode sur la famille, réuni l’an dernier et cette année par le Pape à Rome. Au terme de cette seconde partie, nous comprenons mieux comment ces personnes sont invitées à grandir dans la joie chrétienne, en écoutant la Parole de Dieu, en observant ses commandements et en étant attentives aux autres, au nom de leur baptême et de leur confirmation.


3.     Partageons notre joie

Un trésor, ça se partage. « L’Église a pour vocation d’apporter au monde la joie, une joie authentique qui demeure[7]. » C’est pourquoi notre Eglise est appelée à rayonner de la joie dont elle vit, à la partager avec le monde entier. Notre évêque a ainsi pu affirmer récemment que dans le Val d’Oise « il est urgent que nos communautés, habitées par le dynamisme et la joie du Ressuscité, se rendent disponibles à entendre l’appel de Dieu[8]. »

Le Jubilé de notre diocèse, célébrant le 50e anniversaire de sa fondation, sera pour chacun de nous l’occasion de se mettre à l’écoute de l’Evangile selon saint Luc, pour « nous permettre une nouvelle relation à Dieu, une nouvelle relation au frère, une nouvelle relation au monde[9]. » Ce renouvellement de notre amour de Dieu et des hommes sera aussi renouvellement de notre joie. Et la coïncidence de cette année jubilaire avec l’année sainte de la miséricorde annoncée par le Pape François aura pour nous un sens profond en vue de « trouver dans ce jubilé la joie pour redécouvrir et rendre féconde la miséricorde de Dieu, avec laquelle nous sommes tous appelés à apporter le réconfort à chaque homme et à chaque femme de notre temps[10]. »

Vous le voyez, tout concorde pour que nous nous mettions tous en marche pour redécouvrir et approfondir la joie qui nous habite, joie d’aimer et d’être aimés, joie de vivre dans un monde aimé de Dieu, joie d’être témoins de cet amour. Dans notre paroisse, de nombreux moyens sont mis en œuvre à cette fin, selon la sensibilité de chacun. La beauté de nos liturgies est centrale, car elle nous rassemble et nous porte vers Dieu, en même temps qu’en elle Dieu se donne à nous. Les formations pour tous les âges (éveil à la foi, catéchisme, aumônerie, cours bibliques, catéchèse pour adultes, retraites de Carême, etc.) nous aident à mieux connaître Dieu pour mieux l’aimer. Les Dimanches en famille font croître notre amour fraternel. Tout ce qui peut contribuer à faire grandir notre amour de Dieu et de nos frères doit être mis en œuvre.

C’est pourquoi, pour finir cette lettre, j’aimerais vous inviter à constituer de petites équipes de partage. Un trésor, ça se partage. Et la joie a ceci d’extraordinaire qu’elle grandit quand on la partage. Saint Jean XXIII aimait dire que « la paroisse, c’est la fontaine du village où chacun peut venir s’abreuver ». Je vous propose donc de créer sans tarder des groupes que nous pourrions appeler des fontaines. Comme notre paroisse compte de nombreux villages, nous aurons plusieurs fontaines – par exemple une fontaine biblique où nous pourrons partager notre lecture de l’Ecriture, une fontaine mariale fondée sur le Rosaire, une fontaine familiale où nous partagerons nos vies de famille… J’imagine ces fontaines comme des lieux où nous pourrons mettre en commun nos joies, nos préoccupations, nos souffrances, tout ce qui fait nos vies. Vous le voyez, il faut tout inventer ! Mais je ne doute pas qu’inspirés par l’Esprit Saint, en ce temps de Pâques, nous serons créatifs ! Je compte sur vous pour me proposer vos idées et pour vous mettre en marche, car c’est dans la mesure où notre paroisse vivra pleinement de la joie du Ressuscité, qu’elle portera au loin la mission que le Christ lui a donnée.

De tout cœur, je vous bénis !

Fait à Marines, ce 5 avril 2015,
Saint Jour de Pâques.

Sébastien Thomas +
prêtre





[1]Bx Paul VI, Exhortation apostolique Gaudete in Domino sur la joie chrétienne, n°14 (9 mai 1975).
[2]S. Thomas d’Aquin, Somme Théologique II-II, q. 28, a. 1.
[3]François, Exhortation apostolique EvangeliiGaudium sur l’annonce de l’Evangile dans le monde d’aujourd’hui (24 novembre 2013), n°1.
[4]ibid., n°8.
[5]Concile Œcuménique Vatican II, Constitution dogmatique Lumen Gentium sur l’Eglise, n°11.
[6] Titre du beau livre d’André Mardegan, aux éditions Artège (Perpignan, 2013).
[7]Benoît XVI, Message à l’occasion de la XXVIIe Journée Mondiale de la Jeunesse (15 mars 2012).
[8]Mgr Stanislas LALANNE, Démarche pastorale Ecoutons l’appel de Dieu ! (8 septembre 2014), p. 8.
[9]Mgr Stanislas LALANNE, Appel pour préparer le Jubilé (février 2015).
[10]François, Homélie de la célébration pénitentielle du 13 mars 2015 au Vatican. 

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