Fraternité missionnaire du diocèse de Pontoise
Lettre à la fraternité missionnaire Adveniat
« N’ayez
pas peur
de la bonté, de la tendresse ! »
de la bonté, de la tendresse ! »
Marines,
ce 1er mai 2013
Saint
Joseph, travailleur
Chers frères et
sœurs d’Adveniat,
D
|
ans ma dernière lettre, je vous parlais de la
louange, au cœur de notre vie chrétienne, et j’avais insisté sur l’importance
et la richesse du lien que nous entretenons avec notre beau diocèse. La
nomination de Monseigneur Stanislas Lalanne
comme évêque de Pontoise et son installation le 6 avril dernier, ainsi que la
renonciation de Benoît XVI à sa charge et l’élection de son successeur le Pape
François en mars, ont marqué la vie de notre Eglise en Val d’Oise, et renouvelé
notre joie d’être chrétiens.
Les
premiers pas de François comme évêque de Rome ont touché le monde entier par sa
simplicité, son humilité, et la radicalité de son engagement à la suite du
Christ. C’est pourquoi nous avons choisi, avec l’Equipe d’animation pastorale
de Franconville qui nous accueillera du 23 au 30 juin pour notre semaine
missionnaire, d’emprunter notre thème de mission à l’homélie que le Saint-Père
a prononcée lors de l’inauguration de son pontificat, le 19 mars dernier, qui
rappelait aussi les premiers mots du bienheureux Jean-Paul II : « N’ayez
pas peur de la bonté, de la tendresse ! »
1.
« Nous
ne devons pas avoir peur de la bonté, et même de la tendresse ! »
Dans
l’homélie du 19 mars, prononcée lors de la solennité de saint Joseph, le Pape
méditait sur la façon dont le charpentier de Nazareth avait été un gardien de
Marie, de Jésus et de l’Eglise, et il nous le donnait pour modèle :
Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui
occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou
social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : soyons ‘‘gardiens’’
de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre,
de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort
accompagnent la marche de notre monde ! Mais pour ‘‘garder’’ nous devons aussi
avoir soin de nous-mêmes ! Rappelons-nous que la haine, l’envie, l’orgueil
souillent la vie ! Garder veut dire alors veiller sur nos sentiments, sur notre
cœur, parce que c’est de là que sortent les intentions bonnes et
mauvaises : celles qui construisent et celles qui détruisent ! Nous ne
devons pas avoir peur de la bonté, et même de la tendresse ![1]
Nous
comprenons bien que François nous appelle à être attentifs au monde qui nous
entoure, à l’aimer, à le ‘‘garder’’. Et nous voyons même qu’il considère que c’est
une responsabilité commune à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne
volonté d’être gardiens. Gardiens de l’environnement, de nos frères humains, et
aussi de nous-mêmes. Le Saint-Père rejoignait ainsi la grande déclaration que
le Concile Vatican II avait faite au début de la constitution pastorale Gaudium
et Spes sur l’Eglise dans le monde de ce temps : « Les joies
et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des
pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les
espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est
rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur[2]. »
Et le Concile ajoutait : « Le monde qu’il a ainsi en vue est celui
des hommes, la famille humaine tout entière avec l’univers au sein duquel elle
vit[3]. »
François
insistait dans la suite de son homélie sur le fait que nous sommes tous appelés
à être des gardiens :
Garder Jésus et Marie, protéger la création tout entière,
veiller sur chaque personne, spécialement la plus pauvre, nous garder
nous-mêmes : voici un service que l’évêque de Rome est appelé à accomplir, mais
auquel nous sommes tous appelés pour faire resplendir l’étoile de l’espérance :
gardons avec amour ce que Dieu nous a donné ![4]
Cependant
nous nous apercevons vite que garder avec amour ce que Dieu nous a donné n’est
pas si facile, en particulier à cause de notre péché et du péché du monde. Et l’un
des effets principaux du péché est de nous éloigner de l’amour. Il nous est
ainsi plus difficile d’aimer qu’aux premiers moments de la Création, avant le
péché originel, parce que nous portons en nous cette mystérieuse tendance à ne
pas aimer l’amour[5]. Et nous ressentons
souvent cette tendance avec tristesse, car « l’expérience du péché
comme refus de suivre (le Christ), comme offense à son amitié, jette une ombre
dans notre cœur[6]. »
C’est
pourquoi François insiste avec tant de force, au point de répéter deux fois
cette même phrase : « Nous ne devons pas avoir peur de la bonté,
et même de la tendresse ! » –
« Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse ! »
La
bonté et la tendresse ne sont pas des valeurs majeures dans le monde
contemporain, du moins dans ce que montrent les médias chaque jour. L’efficacité et le succès semblent les
supplanter dans tous les domaines, qu’ils soient professionnels, sociaux ou
personnels. Une certaine fausse pudeur nous prend d’ailleurs souvent, lorsque
nous voudrions parler de bonté et de tendresse, qui nous fait penser : ‘‘de
quoi vais-je avoir l’air, si je parle de tendresse ?’’
Pour
être les gardiens de ce que Dieu nous a donné, comme nous le demande le
Saint-Père, nous devons faire croître en nous la tendresse et la bonté, et les
annoncer au monde qui nous entoure. Et pour cela nous ne devons pas en avoir
peur.
2.
L’amour de
Dieu, sa tendresse et sa bonté nous précèdent
Pour
ne pas avoir peur de la bonté et de la tendresse, et pour comprendre que nous
sommes sur le bon chemin si nous les développons en nous, il est important que
nous gardions en tête que la bonté et la tendresse sont d’abord des attributs
de Dieu. Dans toute la Bible, Dieu se révèle comme un Dieu bon et tendre pour
son peuple. Fidèle à ses alliances avec Noé, Abraham et Moïse, le Seigneur ne
cesse de revenir, inlassablement, à la rencontre de l’homme lorsque celui-ci s’éloigne
de lui. Un verset du psaume 144(145) réunit à la fois la bonté et la tendresse
du Seigneur : « la bonté (bAj) du Seigneur est pour tous, sa tendresse (mxr), pour toutes ses
œuvres » (Ps 144(145), 9, AELF).
bAj (tôb), c’est l’adjectif que le Seigneur utilise
pour qualifier sa création, « Et Dieu vit que cela était bon »
(Gn 1). C’est aussi le mot qui sert à distinguer le bien du le mal (Gn 3). Et c’est
ainsi que les auteurs de l’Ancien Testament qualifient Dieu en retour. mxr (rêhêm ou raham) désigne d’abord les entrailles, le ventre de
la mère qui porte son enfant. Par extension, il décrit par analogie l’amour des
parents pour leurs enfants, qui les touche au fond du cœur. C’est le mot qui a
donné en latin notre ‘‘miséricorde’’. Dieu s’est donc révélé dès le début comme
un Dieu bon et tendre à la fois.
Le
sommet de l’amour prévenant de Dieu, nous le savons, a été le don qu’Il a fait
de son fils unique Jésus-Christ pour nous sauver du péché et de la mort. Saint
Paul l’a magnifiquement exprimé dans son hymne aux Ephésiens :
3 Qu’il soit béni, le Dieu et Père de notre
Seigneur, Jésus, le Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions
de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. 4 Il nous a choisis, dans le
Christ, avant que le monde fût créé, pour être saints et sans péchés devant sa
face grâce à son amour. 5 Il nous a prédestinés à être, pour lui,
des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi
l’a voulu sa bonté, 6 à la louange de gloire de sa grâce, la grâce
qu’il nous a faite dans le Fils bien-aimé. 7 En lui, par son sang, nous
avons le rachat, le pardon des péchés. (Ep 1,3-7, AELF)
L’amour
de Dieu nous précède donc et nous rejoint lorsque nous lui sommes infidèles.
Cela doit être pour chacun de nous une source intarissable de joie et d’action
de grâce qui s’exprime en louange ! Et je crois que nous pouvons en tirer
également une cause de confiance et d’espérance très profondes, engendrées par
la certitude que Dieu nous aime quelles que soient nos limites et quels que
soient nos échecs à sa suite. Nous ne devons par ailleurs jamais oublier que
cet amour de Dieu est destiné à tous les hommes et à toutes les
femmes, nos frères et sœurs en Jésus Christ.
Je
sais que beaucoup d’entre vous ont été éprouvés ces derniers mois par les
débats politiques et sociaux en France, en particulier lors du vote de la loi
sur le « mariage pour tous ». Les prises de parole publiques de
responsables religieux et de nombreux chrétiens n’ont pas manqué, et nous
pouvons en être fiers. Ce projet de loi laisse la société française profondément
divisée, durablement meurtrie. Les personnes que nous rencontrons chaque jour,
et en particulier celles que nous rencontrerons pendant notre semaine de
mission à Franconville, ne sont pas indifférentes à ce débat, elles ont toutes
un avis sur le sujet, et nous aurons à en discuter parfois. N’oublions jamais
que « Dieu […] a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, son unique,
pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie
éternelle. » (Jn 3,16, TOB) C’est pourquoi le Pape François nous
invite à faire grandir la bonté et la tendresse en nous d’abord, pour qu’elles
rejaillissent ensuite autour de nous.
C’est
le sens du conseil que saint Paul donnait à son disciple Tite, dans un contexte
pourtant loin d’être favorable à l’Eglise naissante :
1 Rappelle à tous qu’ils doivent être soumis aux
magistrats, aux autorités, qu’ils doivent obéir, être prêts à toute œuvre
bonne, 2 n’injurier personne, éviter les querelles, se montrer
bienveillants, faire preuve d’une continuelle douceur envers tous les hommes. 3
Car nous aussi, autrefois, nous étions insensés, rebelles, égarés, asservis à
toutes sortes de désirs et de plaisirs, vivant dans la méchanceté et l’envie,
odieux et nous haïssant les uns les autres. 4 Mais lorsque se sont
manifestés la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, 5
il nous a sauvés non en vertu d’œuvres que nous aurions accomplies nous-mêmes
dans la justice, mais en vertu de sa miséricorde, par le bain de la nouvelle
naissance et de la rénovation que produit l’Esprit Saint. 6 Cet
Esprit, il l’a répandu sur nous avec abondance par Jésus Christ notre Sauveur, 7
afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions, selon l’espérance, héritiers
de la vie éternelle. (Tt 3,1-7, TOB)
La force que Dieu donne aux croyants, par l’Esprit
Saint, c’est l’espérance, que le Catéchisme de l’Eglise catholique
définit ainsi :
L’espérance est la vertu théologale par laquelle nous
désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en
mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non
sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit. (n°1817)
C’est
parce que nous croyons que le Christ a accompli la promesse de salut que Dieu
avait faite à son peuple, et aidés par l’Esprit Saint reçu au baptême, sûrs que
la tendresse et la bonté de Dieu nous précèdent, que nous pouvons avancer joyeux
et confiants dans le monde contemporain, pour lui annoncer la Bonne nouvelle.
3.
Saint
François d’Assise, modèle sur ce chemin
Un
beau modèle sur ce chemin exigeant nous est proposé par le Saint-Père qui a
choisi le nom de François pour se placer sous le patronage de Poverello
d’Assise. Quel encouragement pour Adveniat
qui a pris saint François et saint Dominique comme principaux exemples !
Saint
François d’Assise nous donne un triple exemple d’amour de Dieu, d’amour du prochain,
et d’humble espérance. Son amour de Dieu se manifeste dans sa capacité à le
louer à chaque instant de sa vie, comme en témoigne son Cantique des
Créatures : « Très haut, tout puissant et bon Seigneur, à toi
louange, gloire, honneur, et toute bénédiction ; à toi seul ils
conviennent, ô Très-Haut, et nul homme n’est digne de te nommer. » Saint
François est le modèle-même de l’homme qui reconnaît que sans Dieu il ne
pourrait rien faire, et qui en ressent un amour d’autant plus grand pour le
Seigneur.
De
cet amour de Dieu est né un grand amour de tous les hommes, dès la conversion
de saint François. Cet amour l’a conduit à épouser Dame Pauvreté et à
fonder l’ordre des Frères mineurs pour annoncer l’Evangile dans les villes de son
temps.
Voici comment le Seigneur me donna, à moi frère François, la
grâce de commencer à faire pénitence. Au temps où j’étais encore dans les
péchés, la vue des lépreux m’était insupportable. Mais le Seigneur lui-même me
conduisit parmi eux ; je les soignai de tout mon cœur ; et au retour,
ce qui m’avait semblé si amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit
et pour le corps[7].
J’aimerais
insister particulièrement sur son espérance. Vous savez combien saint François
a été malmené à la fin de sa vie, au sein même de son ordre. Jamais pourtant il
n’a douté de la victoire de Dieu sur le mal, ni du soutien de l’Esprit Saint
dans toutes ses épreuves. Il en tirait une humilité extraordinaire, comme le
rapporte un de ses fioretti : « au-dessus de toutes les
grâces et dons de l’Esprit-Saint que le Christ accorde à ses amis, il y a celui
de se vaincre soi-même, et de supporter volontiers pour l’amour du Christ les
peines, les injures, les opprobres et les incommodités[8] ».
Dans
notre vie de tous les jours, et pour nous préparer à la semaine missionnaire à
Franconville où je vous espère nombreux, suivons donc l’exemple de saint
François d’Assise dans son amour de Dieu, son amour du prochain et son humble
espérance ! Et continuons de porter Adveniat dans
notre prière, avec le Notre Père quotidien et cette prière de saint
François :
Que ton règne vienne,
règne en nous dès maintenant par la grâce,
introduis-nous un jour en ton royaume
où sans ombre enfin nous te verrons,
où deviendra parfait notre amour pour toi,
bienheureuse notre union avec toi,
éternelle notre jouissance de toi.
De tout cœur, par
l’intercession de la Vierge Marie et de saint Joseph,
je vous bénis !
je vous bénis !
Sébastien Thomas +
prêtre
[1] François, Homélie de la Messe
d’inauguration de son ministère d’évêque de Rome, 19 mars 2013.
[2] Vatican II, Const.
past. Gaudium et spes sur l’Eglise dans le monde de ce temps (7 décembre
1965), n°1.
[4] François, op. cit.
[5] cf. G. Bernanos, Journal d’un curé de
campagne, 1936.
[6] Benoît XVI, Message pour la 27e
journée mondiale de la jeunesse, 15 mars 2012.
[8] François d’Assise, Fioretti,
chapitre 8.
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