C’est le dimanche de la Transfiguration. Il y a trois ans, c’était le début de mon stage à l’Arche de Jean Vanier, et le P. Gilbert Adam, aumônier de l’Arche à Trosly, avait donné une homélie sur cet évangile qui m’avait beaucoup marqué. Je vais tenter de vous rendre un peu l’esprit de cette homélie, avec quelques réflexions personnelles.
« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s'entretenaient avec lui.
Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu'une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! » Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d'une grande frayeur. Jésus s'approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et n'ayez pas peur ! »
Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts. » (Mt 17, 1-9)
La Transfiguration, avant la défiguration de la Croix
De nouveau, après le Baptême (Mt 3, 17) et les tentations vaincues de Mt 4, le Père manifeste son soutien à la mission du Fils : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! » Notons le « Ecoutez-le », ajouté par rapport à la formule du Baptême. Ainsi le Père insiste-t-il sur le fait que c’est bien la parole de Jésus qui compte. Il ne s’agit pas seulement de vouloir le voir, il nous faut aussi l’écouter – et partant mettre en œuvre sa parole.
Cette nouvelle reconnaissance par le Père de la mission du Fils intervient juste avant les Rameaux (Mt 21) qui ouvriront la route à la Passion et à la Croix. Nous aurons le temps de contempler la Croix dans quelques semaines ; notons déjà qu’il sera alors difficile de reconnaître dans le Crucifié le Fils de Dieu, celui en qui Dieu a mis tout son amour. Les disciples pourtant sauront reconnaître Jésus ressuscité. La Transfiguration est sans doute le moment particulier où Jésus manifeste sa gloire, sa victoire et sa divinité, pour que les disciples soient un jour capables, malgré la Croix, de croire à la Résurrection.
« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean »
Il est intéressant d’aller voir dans les lettres de Pierre et de Jean comment ces disciples privilégiés témoignent de l’événement de la transfiguration. La seconde lettre de Pierre est explicite :
« Frères, pour vous faire connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, nous n’avons pas eu recours aux inventions des récits mythologiques, mais nous l’avons contemplé lui-même dans sa grandeur.
Car il a reçu du Père l'honneur et la gloire quand est venue sur lui, de la gloire rayonnante de Dieu, une voix qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j'ai mis tout mon amour. Cette voix venant du ciel, nous l'avons entendue nous-mêmes quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. » (2 P 1, 16-18)
Quant à Jean, l’ensemble de ses lettres sont marquées par cette affirmation :
« Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons contemplé de nos yeux, ce que nous avons vu et que nos mains ont touché, c'est le Verbe, la Parole de la vie. » (1 Jn 1, 1)
Voilà ce qu’est le christianisme, voilà ce qui fait son originalité : c’est une rencontre. Un soir de Noël, le curé de Choisy-le-Roi nous avait dit : « notre salut n’est pas une doctrine ou une loi, c’est une rencontre. » Ce que nous célébrons à Noël, nous le célébrons aussi ce dimanche. C’est la rencontre de Jésus transfiguré, puis surtout de Jésus ressuscité, qui fait des apôtres Pierre, Jacques et Jean de vrais disciples du Christ. Et l’évangélisation, c’est ainsi témoigner de cette rencontre.
« Et nous sommes transfigurés en son image »
Le résultat de tout cela pour nous, c’est que si nous sommes de véritables disciples du Christ, vraiment transparents à sa présence en nous, alors en lui nous sommes transfigurés nous-mêmes, comme le dit saint Paul :
« Et nous, les Apôtres, qui n'avons pas, comme Moïse, un voile sur le visage, nous reflétons tous la gloire du Seigneur, et nous sommes transfigurés en son image avec une gloire de plus en plus grande, par l'action du Seigneur qui est Esprit. » (2 Co 3, 18)
Vivons dans nos vies les petites transfigurations qui nous sont données dans la charité, la foi et l’espérance. Ainsi je reprends la conclusion du P. Gilbert Adam : le Christ nous donne dans cette transfiguration le moyen de vivre les défigurations de nos vies, défigurations du péché, de la souffrance… de vivre donc ces défigurations pour enfin reconnaître le Ressuscité, le jour où nous le verrons. C’est une question de vie ou de mort.
Vivons dans l’espérance, pour que notre marche vers le Carême se réalise véritablement « les yeux tournés vers le Christ », pour qu’à Pâques, en vérité, nous puissions le reconnaître et nous exclamer « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
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