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Lettre pastorale
de l’abbé Sébastien Thomas, curé,
à tous les paroissiens du groupement de Marines
de l’abbé Sébastien Thomas, curé,
à tous les paroissiens du groupement de Marines
« L’amour du Christ nous presse. »
Chers frères et sœurs,
D
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epuis mon arrivée dans le Vexin et mon installation comme votre
nouveau curé, j’ai découvert peu à peu nos villages, visité les églises,
rencontré les acteurs de la vie sociale et paroissiale. Depuis près de six
mois, j’ai commencé à connaître ces deux cantons de Marines et de Vigny, et
vous avez commencé à me connaître. Vous le savez, je suis arrivé sans
expérience et sans programme pastoral. Fraîchement sorti des études, j’aurais
été bien en peine de vous dire comment j’envisageais les choses a priori !
Par cette lettre pastorale, je voudrais partager avec vous un
projet qui est né au cours de ces découvertes, de ces visites et de ces
rencontres. Grâce à nos échanges, favorisés par le bon accueil que vous m’avez
tous réservé parmi vous, je connais à présent mieux notre paroisse, j’en
comprends mieux l’organisation, j’ai pu en discerner les forces et les
faiblesses. Aujourd’hui, il me semble important que sans tarder notre
communauté chrétienne se tourne résolument vers les plus pauvres. Ce projet, je
le porte déjà depuis plusieurs semaines dans la prière. La Providence a voulu
que la retraite des prêtres du diocèse de Pontoise soit prêchée en décembre
dernier par Jean Vanier, fondateur
de l’Arche, sur le thème « transformés par la rencontre des plus
pauvres ».
Permettez-moi de reprendre avec vous les prémices de ce projet,
puis d’en donner quelques bases théologiques et spirituelles, avant d’en tracer
les grandes lignes.
1.
Un constat
En arrivant dans le Vexin, j’ai été rapidement étonné par le faible
nombre de demandes de communion pour les malades et les personnes âgées – et je
n’ai pas encore célébré une seule fois le sacrement des malades. J’ai donc
proposé d’aller rendre visite à ces personnes chez elles, selon l’invitation de
Jésus : « j’étais malade et vous m’avez visité » (Evangile
selon saint Matthieu 25,36).
Ma surprise a été grande, car très vite j’ai été débordé, et je n’ai
pas pu visiter toutes les personnes qui m’avaient été indiquées – et je ne
parle pas des visites de l’hôpital et des maisons de retraite, que je n’ai pu
accomplir jusqu’ici. Confronté à mes propres limites, j’ai alors demandé de l’aide,
et je me suis rendu compte que beaucoup désiraient visiter les malades et leur
porter la communion, mais qu’ils avaient peur de ne pas savoir comment faire, d’être
maladroits.
D’autres rencontres m’ont révélé l’état de pauvreté d’une grande
partie de la population de nos deux cantons. L’absence d’une famille solide, l’inactivité
durable, l’alcool, la drogue, la perte du sens moral, et tant d’autres facteurs
abîment notre société, et ne croyons pas que notre Vexin en soit exempt. Je
suis déjà témoin de nombreuses pauvretés, des pauvretés qui se cachent, des
pauvretés que trop souvent nous ne voulons pas voir, mais des pauvretés qui
nous appellent et qui ne peuvent nous laisser indifférents. Il serait
confortable de se laisser croire que ces pauvretés n’existent pas. Mais « l’amour
du Christ nous presse » (2e Lettre aux Corinthiens 5,14) et
nous ne pouvons pas rester sans réagir.
Beaucoup d’initiatives individuelles existent déjà, nombreux sont
ceux qui vont visiter des malades et des personnes âgées, ou qui s’engagent
pour aider les plus démunis. Les municipalités sont également attentives aux
plus pauvres, et elles œuvrent avec efficacité. Les associations ne manquent
pas, qui organisent l’action contre la pauvreté, en France ou à l’étranger.
Mais je crois que notre paroisse doit elle aussi se mettre en marche, en tant
que paroisse.
2.
Une conviction
Cette conviction est simple : notre paroisse, constituée de
trente-cinq villages, forme un tout. Elle est le Corps du Christ dans les
cantons de Marines et de Vigny. En tant que telle, elle doit se mettre au
service des plus pauvres, comme le Christ lui-même l’a fait : « L’Esprit
du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il
m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers
qu’ils sont libres, et aux aveugles qu’ils verront la lumière, apporter aux
opprimés la libération, » (Evangile selon saint Luc 4,18).
Les pauvretés sont nombreuses, elles prennent des visages très
divers, j’en ai déjà énuméré un certain nombre. Chacun de nous ne peut pas s’attaquer
à tous les problèmes en même temps, mais notre complémentarité constitue la
force du Corps du Christ dont nous sommes les membres, selon la belle image de
saint Paul : « notre corps forme un tout, et pourtant nous avons
plusieurs membres, qui n’ont pas tous la même fonction ; de même, dans le
Christ, tous, tant que nous sommes, nous formons un seul corps ; tous et
chacun, nous sommes membres les uns des autres. » (Lettre aux Romains,
12,4-5).
L’image du corps et des membres peut également nous convaincre de
la nécessité d’agir contre la souffrance de nos frères et sœurs : « Si
un membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est
à l’honneur, tous partagent sa joie. Or, vous êtes le corps du Christ et,
chacun pour votre part, vous êtes les membres de ce corps. » (1ère
Lettre aux Corinthiens, 12,26-27).
Il faut donc que toutes les facultés du Corps du Christ se mettent
en œuvre : que les yeux et les oreilles soient vigilants pour reconnaître
les pauvretés et les souffrances de notre temps et alerter les autres membres,
que la tête réfléchisse à la façon dont le corps peut agir, que les mains et
les pieds s’activent au service des plus pauvres, et surtout : que chacun
de nous se reconnaisse aussi dans le Cœur du Christ, pour que nous sachions
aimer mieux les personnes que nous rencontrerons.
3.
Un projet
Vous le voyez, c’est d’abord la charité qui doit nous mouvoir. Non
pas une charité froide qui nous satisferait parce que nous aurions donné de
notre superflu pour une œuvre, mais véritablement l’amour même de Dieu, qu’Il
met dans nos cœurs et qu’Il fait grandir. C’est pourquoi tous les grands saints
de l’Eglise, jusqu’à la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta, invitent à
privilégier la rencontre des pauvres à toute autre action. Pour être plus
précis, disons que les actions en faveur des pauvres seront toujours la
conséquence de la rencontre des personnes. Prenons exemple sur Jésus lui-même
qui, avant de guérir l’aveugle Bartimée, entre en dialogue avec lui : « Que
veux-tu que je fasse pour toi ? » (Evangile selon saint Marc,
10,51). C’est ainsi que, pour reprendre les mots de Jean Vanier,
nous devons passer de la générosité à la communion. Passer de la
générosité à la communion, c’est reconnaître que nous-mêmes avons besoin des
autres, que nous sommes pauvres, et que nous grandissons ensemble, les uns
grâce aux autres.
Au XVIIe siècle, nos villages ont été sillonnés par un
grand saint missionnaire. Jeune oratorien, saint Jean Eudes a vécu à Marines, avant de fonder en 1643 la
Congrégation de Jésus et Marie (les Eudistes) au service de la formation du
clergé et de l’évangélisation des campagnes. Et il séjourna aussi plusieurs
fois à Ableiges. Il a laissé de nombreux écrits, notamment concernant « les
œuvres de miséricorde spirituelle et corporelle [qui sont] l’office et
métier principal de tous les chrétiens, de quelque condition qu’ils soient[1]».
Serviteur infatigable, saint Jean Eudes
a trouvé sa force et son endurance dans l’amour des Cœurs de Jésus et Marie,
auxquels il s’est consacré dans l’église de Marines le 25 mars 1624. C’est
pourquoi je souhaite qu’il soit le patron de notre mouvement qui commence.
Dans la prière, la réflexion et le dialogue, nous établirons
progressivement cette Communion Saint-Jean-Eudes. Toutes les propositions
seront les bienvenues, et je suis à votre disposition pour échanger toutes nos
idées. Tous, nous devons nous sentir concernés ; tous, nous avons notre
part dans la mission. Je compte sur chacun de vous. Une équipe sera bientôt
mise en place pour coordonner la réflexion et proposer des orientations. Elle
s’appuiera sur les actions qui existent déjà dans notre paroisse en faveur des
plus pauvres.
N’ayons pas peur face aux pauvretés que nous pouvons rencontrer,
les nôtres et celles des autres. Nous nous sentons parfois seuls devant elles,
nous serons nombreux ! Nous nous sentons désarmés, nous ferons des
formations et nous trouverons des moyens de lutter. Passons de la générosité à
la communion, et tout sera possible :
« vous êtes le corps du Christ et, chacun pour votre part, vous
êtes les membres de ce corps. »
Conclusion
La proximité cette année entre la date de la Journée mondiale des
malades et celle du mercredi des Cendres donne à cette lettre une dimension
d’exhortation de Carême. Le temps de préparation à Pâques dans lequel nous
entrerons dans trois jours sera pour nous le temps du mûrissement de ce projet.
Car la prière, le jeûne et l’aumône doivent nous conduire droit vers les plus
pauvres et les plus souffrants, davantage encore en cette année Diaconia
que l’Eglise de France a voulu leur consacrer en priorité.
Dans son message pour la Journée mondiale des malades, le
Saint-Père nous encourage : « L’Année de la foi que nous sommes en
train de vivre constitue une occasion propice pour intensifier la diaconie de
la charité dans nos communautés ecclésiales, pour être chacun un bon samaritain
pour l’autre, pour celui qui se tient à côté de nous[2]. »
Je vous invite donc à un triple effort de vigilance, de créativité et
d’action pendant ce temps de Carême, pour que Dieu suscite dans notre paroisse
l’œuvre qu’Il désire.
Vigilance, d’abord, pour reconnaître autour de nous les besoins de
nos prochains, pour nous laisser surprendre par des détresses que nous ne
voyions pas jusque-là. Créativité, ensuite, car il nous faudra trouver de
nouveaux moyens pour aller à la rencontre de nos frères et sœurs, et pour lutter
contre toutes les pauvretés : formations, locaux, financements, il nous
faudra tout inventer. Action, enfin, car le risque est toujours de se payer de
mots. Ne nous contentons pas de bonnes intentions, mais mettons-nous en
marche !
Les jeudis du temps de Carême nous aideront à mettre en œuvre ces
trois axes : nous nous retrouverons chaque jeudi au Centre Saint-Remy de
Marines à 19 heures pour partager un repas de jeûne et découvrir un aspect de
la pauvreté dans notre paroisse, avec un intervenant invité. La soirée se
poursuivra comme d’habitude par la Messe à 20h30 et l’adoration jusqu’à 22
heures.
Pour mener cet effort, nous avons besoin de l’aide du Saint Esprit.
Rendons-nous disponibles à son inspiration en priant longuement, en lisant la
Sainte Ecriture, en vivant des sacrements – en particulier l’Eucharistie et la
Réconciliation. L’Heure sainte du jeudi soir et nos assemblées dominicales sont
à cet égard des temps privilégiés.
Et confions-nous à l’intercession de saint Jean Eudes dont la statue orne le chœur de
l’église de Marines depuis ce dimanche, en reprenant ensemble une prière qu’il
proposait avant la visite des pauvres, des malades et des affligés :
O
Jésus, je vous offre cette action
en l’honneur et union du même amour
avec lequel vous êtes venu du ciel en terre
pour visiter les pauvres
et consoler les affligés.
en l’honneur et union du même amour
avec lequel vous êtes venu du ciel en terre
pour visiter les pauvres
et consoler les affligés.
Je
me donne à vous pour consoler
et aider les affligés et les pauvres,
autant que vous le désirez de moi.
Faites-moi participant, s’il vous plaît,
de la charité très grande
que vous avez pour eux[3].
et aider les affligés et les pauvres,
autant que vous le désirez de moi.
Faites-moi participant, s’il vous plaît,
de la charité très grande
que vous avez pour eux[3].
De tout cœur, je vous bénis !
Fait à Marines, ce dimanche 10 février 2013, Journée mondiale des malades.
Abbé Sébastien Thomas
Curé des paroisses
du groupement de Marines
[1] S. Jean EUDES, Œuvres complètes, publié par J.
Dauphin et Ch. Lebrun, Vannes, 1905-1911, 12 vol., in-16, T. II, pp.432 et 470
(Catéchisme de la Mission).
[2] Benoît
XVI, Message pour la XXe Journée mondiale du Malade (2 janvier 2013),
n°4.
[3] S. Jean EUDES, Œuvres complètes, publié par J.
Dauphin et Ch. Lebrun, Vannes, 1905-1911, 12 vol., in-16, T. I, p.450 .