Avec trois amis du Séminaire français de Rome, invités par
l’Ambassadeur de France à Belgrade, M. François-Xavier Deniau, nous avons eu
l’opportunité de passer cinq jours en Serbie, à la rencontre des chrétiens de
ce pays d’Europe de l’Est qui espère entrer prochainement dans l’Union
européenne.
Avec l'archevêque latin de Belgrade |
Nos premières rencontres ont été avec les catholiques :
l’Archevêque de Belgrade, Monseigneur Stanislas Hocevar, nous a raconté
l’histoire du pays, depuis ses origines au XIIIe siècle, jusqu’au commencement
de la Première guerre mondiale, puis à la période titiste et aux douloureux
conflits des années 1990. Les tensions restent profondes en particulier entre
les Croates (en majorité catholiques) et les Serbes (orthodoxes), et le
dialogue œcuménique demeure fortement marqué par ces souffrances. Monseigneur Orlando Antonini,
Nonce apostolique en Serbie, nous a montré les enjeux de la multiplication des
Etats indépendants dans l’ancienne Yougoslavie et les difficultés diplomatiques
qu’elle entraîne. La question de la reconnaissance du Kosovo reste une question
brûlante.
Nous comprenons mieux alors combien l’Eglise et la nation
sont liées en Serbie – l’Eglise Orthodoxe de Serbie est d’ailleurs une Eglise
autocéphale depuis des siècles. Et l’ambassadeur nous montre qu’il faut
distinguer citoyenneté et nationalité dans ce pays. On peut très bien être de
citoyenneté serbe, c’est-à-dire avoir un passeport de la République de Serbie,
et être catholique de nationalité slovène ou croate. Cette distinction est très
forte, ancrée dans l’histoire lointaine et récente.
Au Patriarcat orthodoxe de Belgrade |
Les jours suivants, nous avons rencontré des personnalités
importantes de l’orthodoxie serbe. Monseigneur André, premier secrétaire du
Patriarche de l’Eglise Orthodoxe de Serbie, nous a reçu très fraternellement au
Patriarcat pour nous faire visiter la salle du synode et la chapelle où sont
élus les Patriarches. Lui aussi nous a présenté les enjeux du dialogue
œcuménique et les difficultés qu’il rencontre dans ce dialogue, du fait des
tensions profondes entre les différentes communautés ethniques et religieuses.
Il a tracé les contours d’une collaboration ouverte et franche entre chrétiens
de Serbie, dans un contexte de sécularisation déjà bien entamé de la société
serbe.
Quittant Belgrade, nous sommes partis vers le nord, dans la
région de la Voïvodine, qui faisait partie avant 1918 de l’Empire
d’Autriche-Hongrie. Ce qui frappe en premier dans cette région, c’est que
toutes les églises sont de style autrichien : les iconostases de style
classique, le mobilier baroque, les clochers à bulbes. Accueillis par le Père
Jean, curé d’une paroisse orthodoxe de Sremski Karlovci, ancien étudiant de
l’Institut catholique de Paris, nous avons visité de fond en comble l’ancienne
ville patriarcale.
Autour de Monseigneur Irénée, évêque orthodoxe de Batchka |
La rencontre la plus marquante, peut-être, a été celle de
Monseigneur Irénée, Evêque orthodoxe de Batchka, dans son évêché de Novi Sad. Reconnu
pour être l’un des plus ardents acteurs du dialogue œcuménique en Serbie, Monseigneur
Irénée nous a reçus longuement pour nous exposer les difficultés posées par la
tension entre ouverture et identité, particulièrement pour la diaspora
orthodoxe serbe dispersée dans le monde entier, et pour partager avec nous sa
conception de l’œcuménisme, fondé plus sur des gestes de fraternité parfois
presque invisibles, que sur de longues déclarations communes. Selon lui, si
Dieu est le premier acteur de l’unité de son Eglise, alors nous devons nous
contenter de ne pas y faire barrage et d’y collaborer par ces petits gestes. Monseigneur
Pamphile, son auxiliaire et higoumène du monastère de Kovilj (il est par
ailleurs président du Conseil supérieur de l’audiovisuel de Serbie !), a
confirmé ces propos, en nous encourageant à multiplier ce type de rencontres.
Au monastère de Kovilj, avec Monseigneur Pamphile |
Outre ces rencontres, notre court séjour en Serbie a été
l’occasion de découvrir un pays magnifique mais blessé par les guerres, un pays
qui a beaucoup souffert et qui souffre toujours, mais qui aspire à construire
l’avenir et qui se met au travail pour cela. La liturgie serbe orthodoxe, avec
ses chants profonds et virils, est à l’image de cette réalité d’un peuple dont
l’histoire et la foi sont intimement mêlés, dans les joies et dans les
difficultés.
Que Dieu bénisse la Serbie !
Abbé Sébastien Thomas